Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/381

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taille ? » dit Oxford s’oubliant dans l’excès de sa curiosité. Le chancelier fut un peu surpris ; mais comme le duc semblait attendre qu’il fît une réponse, il répondit : « Non, seigneur étranger… pas dans une bataille, mais à un rendez-vous, et en paix, en amitié. — Ma foi le spectacle a dû être curieux, repartit le duc, de voir le vieux renard Louis et mon frère Black… Je veux dire mon frère Édouard, à une entrevue. Où la rencontre a-t-elle eu lieu ? — Sur un pont de la Somme, à Picquigny. — Je voudrais que tu eusses été là, » dit le duc en regardant Oxford ; « avec une hache en main tu aurais frappé un bon coup pour l’Angleterre et un autre pour la Bourgogne. Mon grand-père fut traîtreusement assassiné à une entrevue toute pareille, au pont de Montereau sur l’Yonne. — Pour prévenir un semblable accident, dit le chancelier, on a élevé au milieu du pont une forte barrière du genre de celles qui ferment les cages où l’on renferme des animaux sauvages, de sort qu’il leur était impossible même de se toucher l’un l’autre la main. — Ah ! ah ! par saint George ! voilà qui sent l’adresse et la prudence de Louis ; car l’Anglais, pour lui rendre justice, connaît aussi peu la crainte que la politique. Mais quelles conditions ont-ils arrêtées ? Où l’armée anglaise passera-t-elle l’hiver ? Quels châteaux, forteresses et villes lui sont livrés en gage ou à perpétuité ? — Aucune, mon souverain, répondit le chancelier. L’armée anglaise retournera en Angleterre aussitôt qu’on pourra se procurer des bâtiments pour l’y transporter, et Louis leur fera cadeau de toutes les voiles et rames de son royaume, plutôt que de ne pas les voir évacuer immédiatement la France. — Et par quelle concession Louis a-t-il obtenu une paix si nécessaire à ses affaires ? — Par de belles paroles, répondit le chancelier, par de magnifiques présents, et par quelque cinq cents tonnes de vin. — De vin ! s’écria le duc… a-t-on jamais vu chose pareille, seigneur Philipson ? En vérité, vos compatriotes ne valent guère mieux qu’Ésaü, qui vendit son droit d’aînesse pour une écuelle de potage. Ma foi, je dois avouer que je n’ai jamais vu un Anglais qui voulût conclure un marché sans s’humecter les lèvres. — Je puis à peine croire ces nouvelles, dit le comte d’Oxford. Si cet Édouard s’était contenté de passer la mer avec cinq mille Anglais, simplement pour revenir de suite en Angleterre, il y a dans son camp assez de nobles fiers et d’orgueilleux bourgeois pour s’opposer à cette honteuse résolution. — L’argent de Louis, répliqua le ministre, a trouvé de nobles mains disposées à le recevoir. Le vin de France a inondé tous les gosiers de