Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gaîté, adresse, dans les exercices de la guerre et dans les arts de la paix, qui font les ornements d’une cour, tel est Campo-Basso ; et tel étant, n’est-il pas une perle dans le cabinet d’un prince ? — Voilà bien tout ce qu’il faut pour faire un favori, répliqua le comte d’Oxford ; mais il manque un peu de ce qui constitue un fidèle conseiller. — Oh ! que tu es donc méfiant ! Faut-il que je le dise le véritable et grand secret sur cet homme, ce Campo-Basso, et que j’y sois forcé pour imposer silence à ces soupçons chimériques que ton nouvel état de marchand voyageur t’a porté à concevoir si témérairement ? — Si Votre Majesté m’honore de sa confiance, je puis seulement dire que ma fidélité la méritera. — Sache donc, homme incrédule, que mon bon ami et frère Louis de France m’a fait avertir en secret par intermédiaire, par un personnage non moins important que son fameux barbier Olivier-le-Diable, que Campo-Basso avait, pour une certaine somme, offert de remettre ma personne entre ses mains, vive ou morte… Vous tressaillez ? — Oui, je tressaille… réfléchissant que Votre Altesse a coutume de sortir à cheval, légèrement armé et avec peu d’escorte, pour reconnaître les lieux et visiter les avant-postes : aussi, combien ne serait-il pas facile de mettre à exécution le dessein homicide que pourrait former un traître ? — Bah ! répondit le duc… tu vois le danger comme s’il était réel, tandis qu’il n’y a rien de plus sinon que, si mon cousin de France eût jamais reçu une pareille offre, il aurait été la dernière personne à m’avertir de me mettre en garde contre son accomplissement. Non… il connaît le prix que j’attache aux services de Campo-Basso, et il a forgé l’accusation pour m’en priver. — Et cependant, monseigneur, répliqua le comte anglais, si vous suivez mon conseil, Votre Altesse ne jettera point de côté, sans besoin ou par impatience, son armure à l’épreuve, et ne sortira point sans être escortée de quelques vingtaines de ses fidèles Wallons. — Chut ! l’ami, tu voudrais donc faire un vrai charbon d’un misérable fiévreux comme moi entre l’acier poli et le soleil brûlant. Mais je serai prudent, quoique je plaisante ainsi… Et vous, jeune homme, vous pouvez bien assurer à ma cousine Marguerite d’Anjou que je m’occuperai de son affaire comme si elle m’était personnelle ; et n’oubliez pas, mon fils, que les secrets des princes sont de funestes dons lorsque ceux à qui ils sont confiés les divulguent ; mais, convenablement gardés, ils enrichissent le dépositaire. Et vous aurez lieu de m’en croire, si vous rapportez avec vous d’Aix l’acte de renonciation dont a parlé votre père… Bonne nuit… bonne nuit !… »