Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fixés suivant son bon plaisir, ou peuvent être laissés en blanc. Je puis attendre de la générosité de Charles que ces points seront convenablement réglés. Tout ce que je crains, c’est que Charles ne s’embarrasse…. — De quelque sotte guerre indispensable à son honneur et à la sûreté de ses domaines, » répondit une voix de derrière la tapisserie qui partageait la tente, « et en le faisant, ne serve pas ses propres intérêts plus que les nôtres ? Hein, seigneur comte ? »

Au même instant le rideau fut tiré, et un homme entra avec le pourpoint et le bonnet d’un simple soldat de la garde wallonne, et en qui cependant Oxford reconnut aussitôt les traits durs du duc de Bourgogne, et ses yeux si fiers qui brillaient sous la fourrure et la plume dont sa coiffure était ornée.

Arthur, qui ne connaissait pas le prince personnellement, tressaillit à son entrée, et porta la main à son poignard ; mais son père l’invita par signe à ne point le tirer, et il regarda avec surprise le respect solennel que le comte rendait au soldat qui se gênait si peu. Les premiers mots lui expliquèrent ce dont il s’agissait.

— Si vous avez eu recours à ce déguisement pour éprouver ma foi, dit l’Anglais, permettez-moi de vous dire, noble duc, que vous avez pris une peine inutile. — Assurément, Oxford, répondit le duc, j’ai été un espion courtois ; car j’ai cessé d’écouter à votre porte au moment même où j’ai eu raison de croire que vous alliez dire quelque chose d’offensant pour moi. — Aussi vrai que je suis chevalier, monseigneur duc, si vous étiez resté derrière la tapisserie, vous n’auriez entendu dire que des vérités que je suis prêt à répéter en présence de Votre Altesse, quoiqu’il puisse se faire qu’elles eussent été exprimées avec un peu moins de ménagements.

— Eh bien ! répétez-les donc, et dans les termes qu’il vous plaira d’employer… Ils mentent par la gorge ceux qui disent que Charles de Bourgogne se fâche toujours quand un ami bien intentionné lui donne un conseil… — Je voulais donc dire, répliqua le comte anglais, que Marguerite d’Anjou avait seulement à craindre que le duc de Bourgogne, précisément lorsqu’il endosse son armure afin de conquérir pour lui-même la Provence, et de lui assurer à elle un puissant secours pour faire valoir ses droits en Angleterre, ne se laisse détourner d’un but si élevé par le projet, imprudemment formé, de punir des affronts à lui faits, comme il le suppose, par certaines confédérations de montagnards des Alpes, lorsqu’une guerre ne peut offrir ni avantage ni honneur, et qu’au contraire ou court le risque d’y