Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/35

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rible voyage, pas à pas, poursuivant sa route avec une circonspection, une valeur et une présence d’esprit qui pouvaient seules le sauver d’une ruine immédiate. Enfin il gagna un point où une roche saillante formait l’angle du précipice, autant qu’il avait pu le remarquer de la plate-forme. Le mérite consistait à surmonter cet obstacle, le plus grand sans doute de l’entreprise. La roche s’avançait de plus de six pieds au dessus du torrent qu’il entendait bouillonner à ses pieds à une profondeur de soixante toises, avec un bruit pareil à celui d’un tonnerre souterrain. Il examina le lieu avec la plus scrupuleuse attention, et fut induit, par l’existence des ronces, des herbes et même des arbres rabougris qu’on y voyait, à croire que cette roche marquait la dernière extrémité de l’éboulement ou de la chute des terres, et que, s’il pouvait seulement tourner l’angle qui le terminait, il lui serait permis d’espérer qu’il atteindrait la continuation du sentier qui avait été si étrangement interrompu par cette convulsion de la nature. Mais la roche se projetait tellement, qu’il était impossible de passer dessous ou autour ; et comme elle s’élevait de plusieurs pieds au dessus de la position qu’avait atteinte Arthur, ce n’était pas chose aisée que de la gravir. Il adopta cependant ce parti comme le seul moyen de surmonter le dernier obstacle qu’il espérait devoir rencontrer dans son voyage de découverte. Un arbre faisant saillie lui fut de grande utilité pour se hisser et parvenir au faîte de la roche. Mais il s’y était à peine établi, il avait à peine eu un moment pour se féliciter en voyant, au milieu d’un chaos horrible de rocs et de bois, les ruines lugubres de Geierstein, d’où s’élevait du moins une fumée indiquant qu’il s’y trouvait quelque habitation humaine, quand, à son extrême surprise, il sentit le pic élevé sur lequel il se tenait, trembler, s’abaisser lentement en avant, et changer peu à peu de place. Saillant comme il était, et de plus ébranlé dans son équilibre par un tremblement de terre récent, il était demeuré dans une position si peu solide que son centre de gravité était entièrement détruit, malgré même l’addition du poids du jeune homme.

Entraîné par l’imminence du péril, Arthur, cédant à cet instinct qui nous pousse toujours à conserver notre vie, s’élança avec précaution du rocher détaché de la terre sur l’arbre par lequel il était monté, et retourna la tête, comme obéissant à un charme, pour voir tomber le roc fatal d’où il venait de se retirer. Le roc vacilla pendant deux ou trois secondes, comme incertain de quel côté il tomberait, et s’il eût pris une direction latérale, il aurait arraché