Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/338

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tion ? — Vous pouvez adresser cette question à quelqu’un de vos conseillers de Bourgogne, répondit Oxford ; elle touche de trop près à la ruine complète de ma cause pour que j’y réponde avec franchise. — N’importe, reprit le duc, je vous demande, comme à un homme d’honneur, quelles objections peuvent me faire repousser le parti qu’on me propose. Dites votre avis, et dites-le librement. — Monseigneur, je sais qu’il est dans le caractère de Votre Altesse de ne concevoir jamais aucun doute sur la facilité d’accomplir une chose que vous avez une fois résolue. Cependant, quoique cette disposition vraiment digne d’un prince puisse en certains cas servir beaucoup au succès, et qu’elle y ait souvent servi, il en est d’autres où persister dans notre résolution, simplement parce que nous avons voulu une fois, conduit non au succès, mais à la ruine. Considérez donc cette armée anglaise… l’hiver approche, où se logera-t-elle ? comment l’avitaillera-t-on ? qui la payera ? Votre Altesse se chargera-t-elle de toutes les dépenses, de toutes les peines, pour la tenir en état d’entrer en campagne l’été prochain ? Car comptez-y bien, une armée anglaise n’a jamais été et ne sera jamais propre au service, après être sortie de ses foyers, avant d’avoir pu s’accoutumer au service militaire. Les Anglais sont les hommes, je l’avoue, les plus propres à faire les meilleurs soldats du monde ; mais ils ne sont pas encore soldats, et il faut qu’ils soient instruits convenablement aux dépens de Votre Altesse. — Soit, répliqua Charles ; je crois que les Pays-Bas peuvent fournir des vivres pendant plusieurs semaines à ces fameux mangeurs de bœuf, des villages pour qu’ils s’y logent, des officiers pour façonner leurs membres robustes à la manœuvre, et assez de prévôts pour réduire leurs esprits réfractaires à la discipline. — Qu’arrivera-t-il ensuite ? ajouta Oxford. Vous marcherez sur Paris ; vous ajouterez un second royaume à la puissance usurpée d’Édouard ; vous lui rendrez toutes les possessions que l’Angleterre a jamais eues en France, la Normandie, le Maine, l’Anjou, la Gascogne, et le reste… pourrez-vous ne pas redouter vous-même cet Édouard, lorsque vous aurez ainsi accru sa force, quand vous l’aurez rendu plus fort que ce Louis dont la ruine aura été le but de votre alliance ? — Par saint George ! je ne feindrai pas avec vous. C’est précisément sur ce point que les doutes m’assiègent. Édouard est à vrai dire mon beau-frère ; mais je suis un homme peu disposé à mettre ma tête sous la jupe de ma femme. — Et les circonstances, dit Philipson, ont trop souvent montré l’inefficacité des alliances de famille pour empêcher les plus manifestes violations de serment.