Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/337

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cueillit le voyageur anglais en s’écriant : « Soyez le bienvenu, herr Philipson… soyez le bienvenu, vous habitants d’un pays où les négociants sont princes, et les marchands, grands de la terre. Quelles nouvelles marchandises apportez-vous pour nous tenter ? Vous autres marchands, par saint George ! vous êtes une race fièrement rusée. — Ma foi ! aucune nouveauté, monseigneur, répondit le vieil Anglais ; je rapporte seulement les objets que j’ai montrés à Votre Altesse la dernière fois que j’eus l’honneur de paraître devant elle, dans l’espoir, pauvre marchand que je suis, que Votre Grâce les trouvera plus de son goût à une seconde vue qu’elle ne les a trouvés à la première. — C’est bien, sir… Philipville, je crois qu’on vous nomme ?… Vous êtes un marchand bien simple, ou vous me prenez pour un sot acheteur, si vous croyez pouvoir me tenter avec les marchandises qui ne m’ont pas plu une première fois. Changez de mode, ami… Nouveauté !… c’est la devise du commerce ; vos denrées de Lancastre ont eu leur jour, et j’en ai acheté comme d’autres, et vraisemblablement je les ai payées trop cher. York obtient seul la vogue aujourd’hui. — Il peut en être ainsi dans le vulgaire, répliqua le comte d’Oxford, mais pour des âmes comme celle de Votre Altesse, fidélité, honneur et loyauté sont des joyaux que les caprices du goût et les changements de fantaisie ne peuvent faire passer de mode. — Ma foi ! il est possible, noble Oxford, dit le duc, que je conserve encore au fond de mon cœur quelque vénération pour ces qualités aujourd’hui surannées ; autrement pourquoi aurais-je tant d’estime pour votre personne en qui elles ont toujours brillé ? Mais ma position est cruellement critique, et si je faisais un faux pas dans cette situation, je manquerais le but de toute ma vie. Écoutez-moi, seigneur marchand : voici venir votre vieux compétiteur, Blackburn, que quelques uns appellent Édouard d’York et de Londres, avec une pacotille d’arcs et de haches, telle qu’il n’en est jamais entré de pareille en France depuis le temps du roi Arthur ; et il me propose de courir avec lui les chances de l’aventure, ou, pour parler clairement, de faire cause commune avec la Bourgogne, jusqu’à ce que nous enfumions dans son terrier le vieux renard de Louis, et que nous clouions sa peau à la porte de l’étable. En un mot l’Angleterre m’invite à se joindre à elle contre le plus adroit et le plus acharné de mes ennemis, contre le roi de France, à me débarrasser de la chaîne de vasselage, et à m’élever au rang de prince indépendant… Pensez-vous, noble comte ; que je puisse résister à cette séduisante tenta-