Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/336

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« Comme le camp, » dit le domestique qui les servait, « est plein de soldats de différentes nations et de dispositions encore incertaines, le duc de Bourgogne, pour la sûreté de vos marchandises, a ordonné qu’une sentinelle régulière montât la garde à votre porte. En attendant, tenez-vous prêts à paraître devant Son Altesse, car elle peut vous envoyer chercher d’un moment à l’autre. »

En conséquence le vieux Philipson fut appelé peu de temps après en présence du duc, et introduit par une entrée de derrière dans la tente ducale, et dans cette partie qui, séparée par d’épaisses tapisseries et des cloisons en bois, formait les appartements particuliers de Charles. La simplicité de l’ameublement et la toilette plus que négligée du duc, formaient un singulier contraste avec la richesse du pavillon à l’extérieur ; car Charles, qui, sous ce rapport comme sous bien d’autres n’était pas conséquent avec lui-même, portait durant la guerre des vêtements grossiers, et avait parfois aussi des manières qui ressemblaient plus à la rudesse d’un lansquenet allemand qu’à la dignité d’un prince de haut rang ; tandis qu’en même temps il encourageait et exigeait même une grande splendeur de dépense et de pompe parmi ses vassaux et ses courtisans : comme si être grossièrement mis et mépriser toute contrainte, même celles du cérémonial ordinaire, fût un privilège du souverain seul. Néanmoins, quand il plaisait à Charles de prendre un air imposant et de montrer de la dignité dans ses manières, nul ne savait mieux que lui se costumer et se conduire.

Sur sa toilette on voyait des brosses et des peignes qui auraient pu demander leur retraite comme ayant bien fait leur temps de service, des chapeaux et des pourpoints usés, des laisses à chiens, des ceinturons de cuir, et d’autres articles d’aussi peu de valeur, au milieu desquels gisaient à l’abandon, pour ainsi dire, l’énorme diamant appelé Sancy… les trois rubis nommés les Trois-Frères d’Anvers… un autre gros diamant appelé la Lampe de Flandre, et d’autres pierres précieuses d’une valeur et d’une rareté à peu près égales. Cette confusion extraordinaire ressemblait assez au caractère du duc lui-même, qui mêlait la cruauté à la justice, la magnanimité à la petitesse d’esprit, l’économie à un luxe extravagant, et la libéralité à l’avarice ; il n’était conséquent en rien avec lui-même, sauf dans son inébranlable obstination à suivre le plan qu’il avait une fois arrêté, malgré la gravité des circonstances et la diversité des périls. C’est au milieu des objets de prix ou sans valeur qui encombraient sa garde-robe et sa toilette, que le duc de Bourgogne ac-