Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/333

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N’engagez pas ce pauvre enfant dans ces fatales intrigues qui ont été si funestes à sa famille. Qu’il vienne avec moi : lui, du moins, je le soustrairai au péril tant que je vivrai, et je pourvoirai à son avenir pour le temps où je ne serai plus. — Pardonnez-moi, madame, » dit Oxford avec la fermeté qui le distinguait. « Mon fils, comme vous daignez vous en souvenir, est un des Vere, destiné peut-être à être le dernier de son nom. Il peut succomber, mais ce ne doit pas être sans honneur. À quelques dangers que l’appellent son devoir et son allégeance ; que ces dangers viennent d’une épée ou d’une lance, d’une hache ou d’un gibet, il doit les affronter avec hardiesse, quand il peut en les défiant prouver son dévouement. Ses ancêtres lui ont appris à braver tous les périls. — C’est vrai, c’est vrai ! » répliqua la malheureuse reine en levant les bras d’un air égaré… « oui ; tout doit périr, tout ce qui a honoré Lancastre… tout ce qui a aimé Marguerite, ou ce qu’elle a aimé ! La destruction doit être universelle… le jeune doit tomber avec le vieux… pas un agneau du troupeau dispersé n’échappera. — Pour l’amour de Dieu ! gracieuse dame, dit Oxford, calmez-vous !… J’entends frapper à la porte de la chapelle. — C’est le signal qui nous ordonne de nous séparer, reprit la reine exilée en se remettant. « Ne craignez rien, noble Oxford, je ne suis pas souvent ainsi ; mais combien je vois rarement de ces amis dont le visage et la voix peuvent troubler le calme de mon désespoir. Permets que j’attache cette relique autour de ton cou, bon jeune homme, et n’en redoute point la funeste influence, bien que tu la reçoives d’une main malheureuse. Elle fut portée par mon époux, bénie par trop de prières et sanctifiée par trop de pieuses larmes, pour que mes fatales mains aient pu la souiller. Je voulais l’attacher sur le sein de mon Édouard dans la terrible matinée de la bataille de Tewkesbury ; mais il s’arma de bonne heure… alla au champ du combat sans me voir… et mon projet se trouva dès lors inutile. »

Tout en parlant ainsi, elle passait au cou d’Arthur une chaîne d’or qui soutenait un crucifix d’un travail riche, mais grossier. Il avait appartenu, disait la tradition, à Édouard-le-Confesseur. Un second coup fut frappé à la porte de la chapelle.

« Nous ne devons plus tarder, dit Marguerite ; séparons-nous ici pour aller, vous à Dijon, moi à Aix, ma retraite de douleur, ou même en Provence. Adieu… nous pouvons nous revoir dans un temps meilleur… Pourtant, comment puis-je l’espérer ? Ainsi disais-je le matin qui précéda la bataille de Saint-Albans… Ainsi lors