Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/317

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pas, et saisissant un cheval qui, bridé et sellé, se trouvait attaché à un piquet près de lui, il jeta la bride à Arthur Philipson ; et poussant son propre coursier en même temps entre l’Anglais et le soldat il força celui-ci, qui tenait Arthur, à lâcher prise. En un clin d’œil, Philipson était remonté, et aussitôt empoignant une hache d’armes qui était suspendue à un arçon de la selle de son nouveau coursier, il terrassa la sentinelle chancelante qui cherchait encore à le saisir. Toute la troupe s’éloigna alors au galop, car l’alarme avait commencé à devenir générale dans le village. On voyait quelques soldats sortir de leurs quartiers, et d’autres commençaient à monter à cheval. Avant que Schreckenwald et sa troupe fussent éloignés d’un mille, ils entendirent plus d’une fois le son des cornets ; et quand ils arrivèrent au sommet d’une éminence qui dominait le village, leur chef, qui durant la retraite s’était placé à l’arrière-garde, fit halte pour reconnaître l’ennemi qu’ils avaient laissé derrière eux. Ce n’était que bruit et confusion dans la rue, mais il ne paraissait pas qu’on voulût poursuivre ; de sorte que Schreckenwald suivit sa route le long du fleuve, avec vitesse sans doute, mais cependant avec assez de lenteur pour ne pas fatiguer le plus mauvais cheval de la troupe.

Quand ils eurent marché deux heures et plus, la confiance de leur chef s’accrut au point qu’il se hasarda à ordonner une halte au bord d’un joli bois qui servait à cacher leur petit nombre, tandis que cavaliers et chevaux prenaient quelques rafraîchissements, grâce au soin qu’on avait eu d’apporter du fourrage et des provisions. Ital Schreckenwald, après avoir conféré un instant avec la baronne, continua à traiter leur compagnon de voyage avec une sorte de politesse bourrue, il l’invita à partager son propre repas qui, à vrai dire, différait peu de celui qui était servi aux autres personnes, mais qui fut assaisonné d’un verre de vin d’un crû plus choisi.

« À Votre santé, frère, dit-il ; si vous racontez fidèlement l’histoire de ce jour, vous avouerez que j’ai agi envers vous en bon camarade il y a deux heures, lorsque nous traversions le village d’Arnheim. — Je ne le nierai pas, beau sire, répondit Philipson, et je vous remercie de votre assistance qui est venue bien à temps, soit qu’elle eût pour motif un ordre de votre maîtresse, soit qu’elle doive être attribuée à votre bienveillance. — Oh ! oh ! mon ami, » répliqua Schreckenwald en riant, « vous êtes philosophe, puisque vous argumentez lors même que votre cheval s’abat sous vous ! et