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pour reconnaître les lieux, accompagné d’Arthur Philipson seulement, tous deux n’avançant qu’avec fermeté et précaution. Le plus profond silence régnait dans les rues désertes ; on voyait çà et là un soldat qui semblait avoir été mis en faction ; mais toutes les sentinelles étaient endormies.

« Les braves rebelles ! dit Schreckenwald, ils montent là une belle garde de nuit ! Oh ! que je les réveillerais joliment, s’il ne s’agissait pas avant tout de protéger cette jeune entêtée… Attendez-moi ici, étranger, tandis que je retourne vers nos camarades et que je les ramènerai… il n’y a point de danger. »

À ces mots, Schreckenwald laissa Arthur, qui seul dans la rue d’un village plein de bandits, seulement plongés dans une insensibilité passagère, n’avait aucune raison de trouver sa position très agréable. Le refrain d’une chanson de table que quelque riboteur répétait en dormant, ou le grognement de quelque chien du village, semblait un signal auquel une centaine de brigands allaient s’élancer sur lui. Mais dans l’espace de deux ou trois minutes, la cavalcade silencieuse, conduite par Ital Schreckenwald, le rejoignit, et suivant son chef observa la plus grande précaution pour ne pas donner l’alarme. Tout alla bien jusqu’à ce qu’ils eussent gagné le bout du village où, bien que l’homme à la peau d’ours[1] qui était de faction fût tout aussi ivre que ses camarades, un énorme chien couché à côté de lui se montra plus vigilant. Lorsque la petite troupe approcha, l’animal poussa un féroce hurlement, assez retentissant pour rompre le sommeil des sept Dormants[2], et qui en effet réveilla son maître. Le soldat saisit sa carabine et tira, sans trop savoir où ni pour quelle raison. Cependant la balle frappa le cheval d’Arthur, et comme l’animal tombait, la sentinelle se précipita en avant pour tuer ou faire prisonnier le cavalier.

« Marchez ! marchez ! hommes d’Arnheim ! ne songez qu’à la sûreté de votre jeune maîtresse ! » s’écria le chef de la bande.

« Arrêtez, je vous l’ordonne ; secourez l’étranger, sur votre vie ! » répliqua Anne, dont la voix ordinairement faible et douce retentit alors aux oreilles des gens qui l’entouraient, comme un clairon d’argent. « Et je ne bougerai pas avant qu’il soit secouru. »

Schreckenwald avait déjà lancé son cheval pour fuir ; mais s’apercevant de la répugnance d’Anne à le suivre, il revint sur ses

  1. Barenhauter, dit le texte, ce qui signifie vaurien, comme les soldats allemands et barenhaut voulant dire aussi peau d’ours, l’interlocuteur fait ici un jeu de mots. a. m.
  2. Allusion à une légende de ce nom. a. m.