Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/312

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vous serez alors plus capable de vous exprimer nettement et avec le respect convenable. »

L’impatient vassal murmura un jurement entre ses dents, et répondit avec une politesse forcée : « Permettez-moi de vous répéter que notre situation exige que nous ne nous chargions de veiller à personne qu’à vous-même. Nous serons déjà assez peu pour vous défendre, et je ne puis permettre à un étranger de voyager avec nous. — Si Je concevais, dit Arthur, que je dusse être un embarras inutile à la retraite de cette noble jeune dame, tous les trésors du monde, seigneur écuyer, ne me feraient pas accepter son offre. Mais je ne suis ni une femme ni un enfant… je suis homme fait, et disposé à prendre avec courage la défense de votre maîtresse. — Si nous ne devons contester ni votre valeur ni votre adresse, jeune homme, répliqua Schreckenwald, qui nous répondra de votre fidélité ? — Il serait dangereux, dit Arthur, de m’adresser ailleurs une pareille question. »

Mais Anne s’interposa entre eux : « Il faut, dit-elle, aller prendre du repos, et nous tenir prêts à être réveillés, peut-être le serons-nous avant la pointe du jour. Schneckenwald, je vous confie le soin de veiller convenablement et de placer des sentinelles… Vous avez assez d’hommes, pour cela du moins… Maintenant, écoutez-moi et ne l’oubliez pas : c’est mon désir et ma volonté que ce jeune homme soit logé dans le château pour cette nuit, et qu’il fasse demain route avec nous. Je répondrai de ma conduite à mon père, et votre rôle consiste seulement à exécuter mes ordres. J’ai long-temps eu l’occasion de connaître et cet étranger et son père, qui furent tous deux hôtes de mon oncle le landamman. Durant la route, vous tiendrez ce jeune homme à côté de vous, et vous le traiterez avec autant de politesse que vous le permettra votre caractère grossier. »

Ital Schreckenwald annonça qu’il obéirait par un regard plein d’une amertume qu’il serait impossible de décrire. Il exprimait le dépit, la mortification, l’orgueil humilié et une soumission involontaire. Il se résigna néanmoins, et conduisit le jeune Philipson dans une chambre décente où se trouvait un lit que la fatigue et l’agitation de la journée précédente lui rendirent très agréable.

Malgré l’ardeur avec laquelle Arthur attendait le lever de l’aurore, son sommeil profond, fruit de la fatigue, le retint jusqu’à l’instant où l’orient commença à rougir, quand la voix de Schreckenwald lui cria : « Holà ! seigneur anglais, levez-vous donc, si