Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/311

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se réveilleront le matin, ils marcheront infailliblement contre ce château, et vous courriez risque de tomber entre les mains de gens qui regarderaient les terreurs du château d’Arnheim comme fictions d’un conte de fée, et riraient des prétentions de la maîtresse à l’honneur et au respect. — Est-il impossible de faire résistance ? demanda la jeune baronne. Le château est bien fortifié, et il me répugne de quitter la maison de mes pères sans rien tenter pour notre défense. — Cinq cents hommes, répliqua Schreckenwald, pourraient garder Arnheim, ses créneaux et ses tours. Avec un nombre moindre, ce serait folie que d’essayer à défendre une telle étendue de murailles ; et comment rassembler vingt soldats ? Assurément, je n’en sais rien… Maintenant donc que vous êtes instruite de ce dont il s’agit, permettez-moi, je vous prie, de congédier cet hôte… trop jeune, je pense, pour loger dans le boudoir d’une dame… et je lui indiquerai le plus court chemin pour s’éloigner du château, car nous sommes dans une position où il faut nous contenter de veiller à notre propre sûreté. — Et où vous proposez-vous d’aller ? » répliqua la baronne, continuant à maintenir, à l’égard d’Ital Schreckenwald, cet air de calme et de supériorité absolue qui excitait chez le sénéchal des marques d’impatience telles qu’on en remarque dans un fier coursier que dompte un cavalier habile.

« Je me propose d’aller à Strasbourg… c’est-à-dire, si la chose vous plaît… avec la faible escorte que je pourrai réunir d’ici à demain. J’espère que nous ne serons pas observés par les rebelles ; ou si nous tombons dans une bande de maraudeurs, je pense que nous n’aurons pas de peine à forcer le passage. — Et pourquoi préférez-vous Strasbourg comme lieu d’asile ? — Parce que j’espère que nous y rencontrerons le père de Votre Excellence, le noble comte Albert de Geierstein. — C’est bien. Vous parliez aussi, je pense, signor Philipson, de vous rendre à Strasbourg. Si la chose peut vous convenir, profitez de la protection de mon escorte jusqu’à cette ville, où vous comptez rencontrer votre père. »

On croira sans peine qu’Arthur donna avec joie son assentiment à une proposition qui devait prolonger le temps qu’ils avaient à passer ensemble, et qui pouvait, comme l’en avertissait son imagination romanesque, lui fournir l’occasion, sur une route semée de périls, de rendre quelque important service.

Ital Schreckenwald essaya quelques remontrances.

« Madame ! madame ! » dit-il avec des marques d’impatience.

« Reprenez haleine et donnez-vous le temps, Schreckenwald,