Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/308

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mée. « Hélas ! » dit-elle à demi voix, « je n’ai que trop long-temps soupçonné ce que vous me dites à présent… Levez-vous, je vous en conjure, levez-vous. — Jamais avant que vous m’ayez entendu, » répliqua le jeune homme saisissant une de ses mains qui tremblait, mais qu’elle ne fit assurément aucun effort pour retirer.. « Entendez-moi, » dit-il avec l’enthousiasme d’un premier amour qu’ont surmonté les obstacles de la timidité et de la défiance… « mon père et moi, nous sommes… je l’avoue… engagés dans une expédition très hasardeuse et très difficile : vous en apprendrez sous peu l’issue heureuse ou fatale. Si elle réussit, vous connaîtrez mon véritable caractère… Si je succombe, je puis, je veux réclamer, et je réclamerai une larme d’Anne de Geierstein. Si j’en sors vainqueur, j’aurai encore un cheval, une lance et une épée, et vous entendrez parler avec éloge de celui que vous aurez trois fois tiré d’un péril imminent — Relevez-vous… relevez-vous, » répéta la jeune fille dont les larmes commençaient à couler avec tant d’abondance qu’elles tombaient sur la tête et sur la figure de son amant tandis qu’elle cherchait à le relever. « J’en ai entendu assez… en entendre davantage serait vraiment folie pour vous et pour moi. — Encore un seul mot, ajouta le jeune homme ; tant qu’Arthur aura un cœur, il battra pour vous… tant qu’Arthur pourra manier une arme, il s’en servira et pour vous et pour votre cause. »

En ce moment Annette se précipita dans la chambre.

« Partez, partez ! s’écria-t-elle. Ital Schreckenwald est revenu du village avec de sinistres nouvelles, et, j’en ai peur, il vient de ce côté. »

Arthur s’était relevé au premier signal d’alarme.

« S’il y a du danger près de votre maîtresse, Annette, dit-il, il y a du moins un ami fidèle à son côté. »

Annette regardait la baronne avec inquiétude.

« Mais Schreckenwald, reprit-elle… Schreckenwald, l’intendant de votre père, son confident… Oh ! pensez-y bien… Je puis cacher Arthur quelque part. »

La noble fille avait déjà repris son calme : elle répliqua avec dignité : « Je n’ai rien fait pour offenser mon père. Si Schreckenwald est intendant de mon père, il est mon vassal. Je ne cacherai pas un hôte, de crainte de lui déplaire. Asseyez-vous, Arthur, et recevons cet homme… Introduis-le tout de suite, Annette, que nous sachions des nouvelles… et rappelle-lui bien que, quand il s’adresse à moi, il parle à sa maîtresse. »