Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/306

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venu, du lieu et du moment où je devrais le rejoindre, le signal devant être un petit crucifix de bronze qui avait appartenu à ma pauvre mère. Je trouvai le signal à Graff’s-Lust, dans ma chambre à coucher, avec un billet de mon père, où il me désignait une issue secrète, comme il s’en trouve toujours dans les vieux châteaux, qui, bien qu’elle eût l’apparence d’être solidement close, n’était néanmoins que légèrement barricadée. Je pus, grâce à cette issue, gagner la porte. Je m’évadai au milieu des bois, et je rejoignis mon père à l’endroit marqué. — C’était une aventure hardie et périlleuse, observa Arthur. — Je ne fus jamais plus alarmée, continua la jeune fille, qu’en recevant cet ordre qui me forçait à quitter un oncle si tendre et si bon, pour aller je ne savais où. Pourtant l’obéissance était absolument nécessaire. Le lieu du rendez-vous m’était clairement indiqué. Une promenade à minuit, dans un voisinage où la protection ne me manquait pas, était pour moi une bagatelle ; mais la précaution qu’on avait prise de poster des sentinelles à la porte aurait empêché l’accomplissement de mon dessein, si je n’en eusse pas parlé aux aînés de mes cousins, les Biederman, qui consentirent sans peine à me laisser passer et repasser sans en rien dire. Mais vous connaissez mes cousins : honnêtes et bons de cœur, ils n’ont pas des idées d’une très grande étendue, et sont aussi incapables d’un sentiment de généreuse délicatesse que… certaines autres personnes… » Là, un regard fut lancé vers Annette Veilchen… « Ils exigèrent de moi que je cachasse mon projet à Sigismond ; et, comme ils cherchent toujours à plaisanter aux dépens de ce pauvre garçon, ils insistèrent pour que je passasse devant lui de manière à lui faire croire que j’étais un esprit, une apparition ; et, vu sa frayeur pour les êtres surnaturels, ils s’attendaient à beaucoup de plaisir. Je fus obligée d’assurer à ce prix mon évasion ; et, à vrai dire, j’étais trop affligée de quitter mon excellent oncle, pour penser beaucoup à autre chose. Cependant ma surprise fut extrême lorsque, contrairement à mon attente, je vous trouvai en sentinelle sur le pont au lieu de mon cousin Sigismond. Ce que vous pensâtes alors de moi, je ne vous le demande pas. — Je pensai comme un fou, répliqua Arthur, comme un triple fou ; si j’eusse osé toute autre chose, je vous aurais offert mon escorte. Mon épée… — Je n’aurais pas accepté votre protection, » dit Anne avec calme : « ma fuite devait être secrète sous tous les rapports. Je rejoignis mon père… Un entretien qui avait eu lieu entre lui et Rudolphe Donnerhugel le fit