Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/299

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avait présidé à cette toilette, et s’écria : « Vous avez raison, grandement raison… mieux vaut que vous alliez à cette entrevue en jeune fille suisse au cœur franc. »

Anne répliqua en souriant aussi : « Mais cependant, dans les murs d’Arnheim, je dois me montrer, sous quelques rapports, comme il convient à la fille de mon père… Voyons, aide-moi à placer cette pierre précieuse sur le ruban qui retient mes cheveux. »

C’était une aigrette, ou panache, composée de deux plumes de vautour réunies ensemble par une opale qui changeait à toutes les ondulations de lumière avec une rapidité qui enchantait la jeune Suissesse, car elle n’avait de sa vie jamais rien vu de pareil.

« Maintenant, baronne Anne, dit-elle, si vous portez réellement ce joli bijou comme marque de votre rang, c’est la seule chose appartenant à votre dignité que j’aurais du plaisir à convoiter, car il étincelle et change de couleur d’une très merveilleuse façon, à peu près comme les joues d’une jeune fille lorsqu’on lui fait des compliments. — Hélas ! Annette, » répliqua la baronne, en passant la main sur ses yeux, « de tous les joyaux que les femmes de ma maison aient possédés, celui-ci a peut-être été le plus fatal à ses possesseurs. — Et pourquoi alors le porter ? pourquoi le porter aujourd’hui plutôt que tout autre jour de l’année ? — Parce qu’il me rappelle mes devoirs envers mon père et ma famille. Maintenant, ma fille, n’oublie pas que tu dois t’asseoir à table avec nous, et ne pas quitter l’appartement ; songe à ne pas t’éloigner sans cesse pour te servir toi ou les autres ; mais reste assise et tranquille jusqu’à ce que William te donne ce dont tu as besoin. — Bien, c’est une mode agréable que j’aime assez, et William nous sert avec tant de complaisance que c’est une joie de le voir. Cependant, de temps à autre, il me semble que je ne suis plus Annette Veilchen elle-même, mais seulement une peinture d’Annette Veilchen, puisque je ne puis ni me lever, ni m’asseoir, ni courir, ni rester tranquille, sans violer quelques lois d’étiquette. Il en est autrement de vous, j’ose le dire, dont les manières sont toujours si nobles. — Moins nobles que tu ne sembles le croire, répondit la demoiselle à illustre naissance ; mais je ressens plus la contrainte sur une pelouse et en plein air que quand je suis forcée de m’y soumettre entre les quatre murs d’un appartement. — Ah ! c’est vrai… la danse ! reprit Annette ; voilà assurément de quoi exciter nos regrets. — Mais je suis encore plus fâchée, Annette, de ne pouvoir dire si j’agis précisément bien ou mal en voyant ce jeune homme, quoique ce doive être pour la der-