Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/295

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quelque puérile timidité… quelque folle idée sur votre naissance qui était au dessus de la sienne… quelque rêve de modestie poussée à l’excès, qui considère comme impénétrable la glace d’une gelée de printemps. Cette illusion peut être dissipée par un léger encouragement, et je prendrai cette tâche sur moi pour que vous n’ayez pas à rougir, ma chère Anne. — Non, non, pour l’amour du ciel, non, Veilchen ! « répondit la baronne, pour qui Annette avait été si long-temps une compagne et une confidente plutôt qu’une domestique ; « vous ne pouvez entrevoir la nature des obstacles qui peuvent l’empêcher de songer à une chose que vous êtes si désireuse de terminer. Écoutez-moi… Ma première éducation et les instructions de mon cher oncle m’ont appris à connaître les étrangers et leurs manières plus que je ne l’aurais pu faire dans notre heureuse retraite de Geierstein. Je suis intimement convaincue que ces Philipson sont de naissance illustre, car leur air et leur tournure dénotent des gens bien supérieurs au métier qu’ils semblent exercer : le père est un homme de profonde observation, réfléchi, capable, et généreux enfin plus qu’on ne peut l’espérer d’un marchand même très libéral. — C’est vrai, dit Annette ; je dirai pour ma part que la chaîne d’or qu’il m’a donnée pèse la valeur de dix couronnes d’argent, et la croix qu’Arthur y a ajoutée le lendemain du jour où nous fîmes une si longue promenade à cheval jusqu’au mont Pilate, vaut encore, me dit-on, beaucoup davantage. Il n’y a pas sa pareille dans les cantons. Eh bien ! quoi donc ? ils sont riches, et vous aussi, c’est pour le mieux. — Hélas ! Annette, ils ne sont pas seulement riches, mais encore nobles, j’en suis persuadée ; car j’ai souvent remarqué que le père s’éloignait avec un air de dédain, de calme et de dignité, des discussions avec Donnerhugel et autres, qui, n’allant pas par quatre chemins, désiraient trouver une occasion de se quereller. Et quand une observation mordante, une fine plaisanterie était dirigée contre son fils, son œil étincelait, ses joues rougissaient, et c’était seulement un regard de son père qui le décidait à retenir la réplique peu amicale qui était déjà sur ses lèvres. — Vous avez donc examiné de bien près, dit Annette. Tout cela peut être vrai, mais je ne l’avais pas remarqué. Mais quoi donc ? dirai-je encore une fois : si Arthur a droit de porter quelque beau nom dans son pays, n’êtes-vous pas vous-même baronne d’Arnheim ? Et j’avouerai franchement que votre titre n’est pas sans prix, s’il doit aplanir les voies vers un mariage où vous devez, je crois, rencontrer le bonheur… je m’en flatte du moins ;