Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/29

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avant que son père vînt le partager. En moins de temps que nous n’en avons mis à raconter cet incident, le jeune homme se trouva derrière Antonio et le mulet, sur une plate-forme de rochers, où la route semblait absolument finir, et de l’autre côté de laquelle se creusait un immense précipice ; le brouillard ne permettait pas de voir à quelle profondeur, mais c’était certainement à plus de trois cents pieds.

La pâleur qui se répandit sur la figure des voyageurs, et l’embarras qu’on pouvait distinguer sur la physionomie de leur bête de somme annonçaient leur crainte et leur désappointement à la vue d’un obstacle inattendu et insurmontable à ce qu’il semblait. Le visage du père, qui arriva bientôt sur la plate-forme, ne leur procura ni espoir ni consolation. Il resta comme les autres à regarder le gouffre rempli de brouillard ouvert au dessous d’eux, et promenant ses regards autour de lui, mais vainement, pour trouver la continuation du sentier, qui certainement ne devait pas n’avoir été jadis pratiqué que pour n’avoir pas d’autre issue. Tandis qu’ils se tenaient incertains de ce qu’ils avaient à faire, le fils tentant d’inutiles efforts pour découvrir quelques moyens de passer outre, et le père se préparant à leur proposer de revenir sur leurs pas, une furieuse bouffée de vent, plus forte qu’ils n’en avaient encore entendu, balaya toute la vallée. Tous voyant qu’ils couraient risque d’être emportés du haut de la station précaire qu’ils occupaient, s’accrochèrent à des broussailles et à des rocs pour se retenir, et le pauvre mulet lui-même sembla chercher à s’affermir pour mieux résister à l’ouragan qui les menaçait. Les tourbillons de vent se succédèrent avec une telle furie, qu’ils semblèrent aux voyageurs ébranler jusqu’au rocher où ils se trouvaient, et qu’ils les eussent balayés de la surface comme autant de feuilles sèches, sans la précaution qu’ils avaient prise de s’y rendre plus solides. Mais comme le vent se précipitait à travers la vallée, il écarta, durant trois ou quatre minutes, le voile de brouillard que les bouffées précédentes n’avaient servi qu’à remuer et entr’ouvrir, et leur montra la nature et la cause de l’obstacle inattendu qui avait arrêté leur route.

Le coup d’œil rapide mais sûr du jeune homme put alors distinguer que le chemin, après avoir quitté la plate-forme sur laquelle ils étaient arrêtés, avait originairement passé au delà dans la même direction, sur une jetée de terre fort escarpée, qui alors formait, pour ainsi dire, la couverture d’un lit de rochers à pic. Mais il était arrivé, dans quelqu’une de ces convulsions de la nature qui ont si