Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/281

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— Alors Dieu me protège, car je n’ai plus d’espérance que dans le ciel, » dit l’Anglais d’une voix solennelle. « Cependant je ne succomberai pas sans un dernier effort. Je te somme toi-même, toi, esprit de ténèbres qui présides à cette effrayante assemblée… je te somme de déclarer sur la foi et l’honneur si tu me regardes comme coupable du crime qui m’est si hardiment imputé par cet infâme calomniateur… Je t’en somme par ton caractère sacré, par le nom de… — Silence ! répliqua le juge-président. Les noms sous lesquels nous sommes connus en plein air ne doivent pas être prononcés dans cette salle de jugement souterraine. »

Il continua alors, s’adressant à l’assemblée aussi bien qu’au prévenu : « Appelé en témoignage, je déclare que l’accusation portée contre toi est si vraie qu’elle est avouée par toi-même, savoir que tu as, dans d’autres pays que la Terre-Rouge[1], parlé légèrement de cette sainte institution de justice. Mais je crois en mon âme et conscience, et je suis prêt à jurer sur mon honneur que tout le reste de l’accusation est incroyable et faux. Et de ce, j’en fais serment, la main étendue sur l’épée et la corde… Quelle est votre opinion, mes frères, sur le cas que nous venons d’examiner ? »

Un membre assis au premier rang et de première classe parmi les juges, enveloppé comme tous les autres d’un grand manteau, mais qui au son de sa voix et à sa taille courbée paraissait être plus avancé en âge que les deux autres qui avaient déjà parlé, se leva avec peine et dit d’une voix tremblante :

« L’enfant de la corde qui est devant nous a été convaincu de folie et de témérité en calomniant notre sainte institution, mais il a débité ces folies à des oreilles qui n’ont jamais entendu nos lois sacrées… Il a donc été acquitté, par témoignage irréfragable, d’avoir tramé l’inutile complot d’anéantir notre puissance ou d’exciter des princes contre notre sainte association, crime pour lequel la mort serait une trop légère punition… Il a donc été fou, mais non criminel ; et comme les saintes lois de la vèhme ne portent pas d’autre peine que la mort, je vous propose de juger que l’enfant de la corde soit rendu sain et sauf à la société, et au monde supérieur, après avoir été dûment averti d’abord de ses erreurs. — Enfant de la

  1. Les parties de l’Allemagne soumises à la juridiction du tribunal secret étaient appelées le Pays-rouge, soit à cause du sang que ce tribunal y faisait couler, soit pour toute autre raison. La Westphalie, d’après les limites qu’elle avait au moyen âge, et qui étaient plus étendues qu’aujourd’hui, était le principal théâtre de la Vèhme. a. m.