Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/277

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j’avais alors un nom sous lequel j’étais connu à la guerre. — Quel était ce nom ? — Je l’ai quitté en déposant mon épée, et je désire ne plus le reprendre ; d’ailleurs je ne l’ai jamais porté dans des lieux où vos institutions ont poids et autorité. — Savez-vous devant qui vous êtes ? continua le juge. — Je puis du moins m’en douter, répondit le marchand. — Dites donc ce que vous soupçonnez ; dites qui nous sommes et pourquoi vous êtes devant nous. — Je crois être devant le tribunal inconnu et secret qu’on appelle cour véhmique. — Alors, vous devez savoir que vous seriez plus en sûreté si vous étiez suspendu par un cheveu au dessus de l’abîme de Schaffhausen, ou si vous aviez le cou retenu sous une hache qu’un fil de soie empêcherait seul de tomber. Qu’avez-vous fait pour mériter un pareil sort ? — Ceux-là doivent répondre qui m’ont amené ici, » répliqua Philipson, toujours avec la même tranquillité.

« Parlez, accusateur ! dit le président, aux quatre coins du ciel !… aux oreilles des francs-juges de ce tribunal, et des fidèles exécuteurs de ses sentences, et à la face de cet enfant de la corde, qui nie et cache son crime : articulez les preuves de votre accusation. — Très redouté seigneur, » répondit l’accusateur en s’adressant au président, « cet homme est entré sur le sacré territoire qui est appelé la Terre-Rouge ; il est étranger, il déguise son nom et son état. Lorsqu’il était encore du côté oriental des Alpes, à Turin en Lombardie, il a parlé différentes fois du saint tribunal avec des expressions de haine et de mépris ; il a déclaré que, s’il était duc de Bourgogne, il ne permettrait pas à notre institution de s’étendre de Westphalie ou de Souabe dans ses états. Je l’accuse encore, dans ses malveillantes dispositions pour le saint tribunal, celui qui maintenant comparaît ici devant ce banc comme enfant de la corde, je l’accuse d’avoir manifesté l’intention de se rendre à la cour du duc de Bourgogne, pour y employer l’influence qu’il se vante de posséder auprès de ce prince pour l’exciter à défendre les réunions de la sainte vèhme dans ses états, et à infliger aux officiers de l’ordre, ainsi qu’aux exécuteurs de nos sentences, la punition due aux brigands et aux assassins. — C’est une grave accusation, frère ! » dit le président quand l’accusateur eut fini de parler. « Comment vous proposez-vous de la prouver ? — Conformément à la teneur de nos statuts secrets, dont la lecture est défendue à tous ceux qui ne sont pas initiés, répondit l’accusateur. — C’est bien, reprit le président ; mais, je vous le demande encore une fois : sur quelles preuves vous appuyez-vous ? Vous parlez à des oreilles saintes et initiées.