Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/250

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Philipson, en découvrant la trahison de son guide hypocrite, et le marchand n’était pas homme à changer de résolution par suite de préventions imaginaires contre le regard et les manières de son guide, ou par des craintes de complots tramés contre lui-même. Seulement il repassait dans son esprit la bizarrerie de sa destinée, qui semblait, alors précisément qu’il lui importait de se présenter d’une manière aussi prévenante que possible devant le duc de Bourgogne, le forcer à s’adjoindre des compagnons qui devaient nécessairement être odieux à ce prince ; et il ne sentait que trop bien que tel devait être le cas du prêtre de Saint-Paul. Après avoir réfléchi un instant, il accepta avec politesse l’offre que lui faisait l’ecclésiastique de le guider vers une bonne hôtellerie, qui était absolument nécessaire à son cheval avant de gagner Strasbourg, quand même il aurait pu, lui Philipson, se dispenser de prendre aucun rafraîchissement.

Les choses ainsi arrangées, le novice amena le cheval du prêtre qui s’y plaça avec grâce et agilité, et le néophyte, qui était probablement celui même dont Arthur avait joué le rôle pour s’évader de La Ferette, prit, d’après l’ordre de son patron, soin de la bête qui portait le bagage de l’Anglais ; et se signant avec une humble inclination de tête, quand le prêtre passa devant lui, il resta en arrière, et parut employer son temps, comme le faux frère Barthélémy, à réciter son chapelet avec une ardeur qui provenait peut-être d’une piété plus affectée que réelle. Le prêtre noir de Saint-Paul, à en juger par le regard qu’il jetait sur son novice, semblait dédaigner la dévotion extérieure du jeune homme. Il montait un fort cheval noir, ressemblant plus à un cheval de bataille qu’au tranquille palefroi d’un ecclésiastique, et la manière dont il le conduisait était complètement exempte de gaucherie et de timidité. Sa fierté, quelle qu’en fût la source, ne dérivait certainement pas de sa profession seule, mais découlait d’autres pensées plus hautes qui occupaient son esprit, et venaient se joindre pour l’augmenter encore à l’importance dont jouit à ses propres yeux un ecclésiastique puissant.

Lorsque de temps à autre Philipson examinait son camarade de route, à son regard scrutateur le prêtre répondait par un sourire hautain qui semblait dire : « Vous pouvez examiner et ma personne et mes traits, mais vous ne pénétrerez pas mon mystère. »

Les yeux de Philipson que personne ne pouvait avoir jamais vus s’abaisser devant aucun mortel, paraissaient répliquer avec une égale