Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/248

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voix à la sienne rendit grâces au ciel et au patron tutélaire du lieu d’avoir déjoué l’infâme complot tramé contre lui.

Quand ce devoir eut été rempli, Philipson annonça son projet de continuer son voyage : à quoi le prêtre noir répliqua que, loin de le retenir dans un endroit si dangereux, il l’accompagnerait lui-même une partie du chemin, puisqu’il se rendait aussi à la cour du duc de Bourgogne.

« Vous, mon père !… vous ! » dit le marchand avec quelque surprise. — Et pourquoi vous étonner ? répondit le prêtre ; est-il donc si étrange qu’un homme de mon ordre aille visiter la cour d’un prince ? Croyez-moi, on n’y rencontre que trop de mes semblables. — Je ne parle pas sous le rapport de votre rang, répliqua Philipson, mais par suite du rôle que vous avez joué aujourd’hui en présidant à l’exécution d’Archibald de Hagenbach. Connaissez-vous assez peu le fier duc de Bourgogne, pour vous imaginer qu’il soit possible d’affronter son ressentiment avec moins de périls que vous n’en devriez courir à agiter la crinière d’un bon endormi ? — Je connais bien son caractère, et ce n’est pas pour excuser, mais pour défendre la mort d’Hagenbach que je vais me présenter devant Son Altesse. Le duc peut faire exécuter suivant son plaisir ses serfs et ses vassaux ; mais il y a sur ma vie un charme qui est à l’épreuve de toute sa puissance. Au reste, pour en revenir à la question… vous, seigneur Anglais, connaissant si bien le naturel de Charles… vous, si récemment l’hôte et le compagnon de voyage des visiteurs les plus mal venus qui peuvent l’approcher… vous, impliqué en apparence du moins dans la prise de La Ferette… quelle chance avez-vous d’échapper à sa vengeance ? et pourquoi vous jeter au hasard en son pouvoir ? — Mon digne père, permettez que chacun de nous, sans offense pour l’autre, garde son propre secret. Je n’ai, il est vrai, aucun charme pour me défendre du ressentiment du duc… j’ai un corps pour souffrir la torture et l’emprisonnement, et des biens qui peuvent être saisis et confisqués. J’ai eu jadis de nombreuses relations avec le duc ; je puis même dire qu’il a des obligations à mon égard, et j’espère qu’en conséquence mon crédit près de lui suffira non seulement pour me sauver des suites de l’affaire d’aujourd’hui, mais encore pour être de quelque utilité à mon ami le landamman. — Mais si vous allez réellement à la cour de Bourgogne comme marchand, où sont les marchandises que vous vendez ? N’avez-vous pas d autres articles que ceux que vous portez sur vous ? J’ai entendu parler d’un che-