Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/239

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suis persuadé que le meilleur moyen de nous y soustraire est de consulter ma propre opinion et non la sienne, quant à nos lieux de repos et à la direction de notre voyage. — Votre jugement est sage comme toujours, répliqua son fils. Je ne mets plus en doute la trahison de cet homme, maintenant surtout que cette jeune personne m’a conseillé de vous dire que nous devions nous rendre à Strasbourg par la rive droite, et passer à cette intention la rivière à un endroit nommé Kirch-Hoff. — Votre opinion est-elle de le faire ? — J’engagerais ma vie pour soutenir que cette demoiselle n’a pas voulu nous tromper. — Quoi ! parce qu’elle se tient avec grâce sur son palefroi, et que sa tournure est irréprochable ? C’est un raisonnement de jeune homme… et pourtant, malgré mon âge et ma prudence, mon cœur me porte à avoir confiance en elle. Si notre secret est connu dans ce pays, il ne manquera sans doute pas de gens qui pourront être disposés à croire que leur intérêt exige qu’ils m’empêchent de parvenir jusqu’au duc de Bourgogne, même par les moyens les plus violents ; et vous savez bien que, pour moi, je n’attacherais aucune valeur à ma vie si je pouvais accomplir ma mission aux dépens de mes jours. Je vous dis, Arthur, que ma conscience me reproche d’avoir jusqu’à présent pris trop peu de soins pour assurer l’accomplissement de cette mission par le désir bien naturel que j’éprouvais de vous garder en ma compagnie. Deux chemins s’ouvrent maintenant devant nous, l’un et l’autre périlleux et incertains, qui peuvent nous conduire à la cour du duc. Nous pouvons suivre ce guide, et courir la chance de sa fidélité, ou adopter l’avis de cette demoiselle errante, passer sur l’autre rive du Rhin, et repasser le fleuve à Strasbourg : les deux routes sont peut-être également dangereuses. Je sens qu’il est de mon devoir de diminuer les risques de ma position en vous envoyant par la droite tandis que je continuerai moi-même ma route par la gauche. Ainsi, en cas qu’un de nous soit arrêté, l’autre peut échapper, de sorte que l’importante commission confiée à nos soins sera fidèlement exécutée. — Hélas ! mon père, comment m’est-il possible de vous obéir, lorsqu’en vous obéissant je dois vous laisser seul courir tant de périls, et lutter contre des difficultés si nombreuses, dans lesquelles mon secours peut être du moins bien intentionné, sinon très efficace ? Quoi qu’il nous arrive dans ces circonstances dangereuses et délicates, permettez du moins que nous bravions tout ensemble. — Arthur, mon fils bien-aimé, en me séparant de vous, je sens mon cœur se briser ; mais le même devoir qui nous