Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/231

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« Vous pouvez, dit-il, compter sur mon active intercession ; et personne n’est en droit de porter un témoignage plus direct que moi de la cruauté infâme et de l’insatiable rapacité d’Hagenbach dont j’ai été si récemment la victime. Mais de son jugement et de son exécution je ne sais rien et ne puis rien dire ; et comme il est certain que le duc demandera pourquoi une exécution a été faite sur son officier sans qu’on en appelât à son propre tribunal, il sera bien que vous me fournissiez ces faits qui sont à votre connaissance, ou que vous envoyiez du moins, le plus promptement possible, les témoignages que vous êtes en état de lui soumettre sur ce point très important de l’affaire. »

La proposition du marchand causa quelque embarras visible sur la figure du Suisse, et ce fut avec une hésitation manifeste qu’Arnold Biederman, après l’avoir emmené à l’écart, lui parla ainsi à voix basse :

« Mon cher ami, les mystères sont en général comme ces épais brouillards qui défigurent les plus nobles traits de la nature ; et néanmoins, comme les brouillards, il faut parfois qu’ils interviennent lorsque nous désirons le plus leur absence, lorsque nous souhaitons le plus d’être clairs et explicites. Le genre de mort d’Hagenbach, vous en avez été le témoin… Nous aurons soin que le duc soit informé de l’autorité qui a rendu ce jugement. C’est tout ce que je puis à présent vous dire à ce sujet, et permettez-moi d’ajouter que, moins vous en parlerez à qui que ce soit, plus vraisemblablement vous échapperez à une foule d’embarras. — Digne landamman, répliqua l’Anglais, ce n’est pas moins par caractère que d’après les habitudes de mon pays, que je hais les mystères. Pourtant, telle est ma ferme confiance en votre bonne foi et votre honneur, que vous serez mon guide dans ces obscures et secrètes transactions, comme vous le fûtes au milieu des brouillards et des précipices de vos montagnes natales, et je n’hésite pas plus, dans un cas que dans l’autre, à m’en remettre à votre sagacité. Permettez-moi seulement de vous recommander que votre explication avec Charles soit prompte aussi bien que claire et franche. Alors j’espère que mon faible crédit auprès du duc pourra quelque chose en votre faveur. Nous allons donc nous quitter ici, mais, je m’en flatte, pour nous revoir bientôt. »

Le vieux Philipson fut alors rejoint par son fils, qu’il envoya louer des chevaux avec un guide pour les conduire en toute hâte à la cour du duc de Bourgogne. Après différentes recherches dans