Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aucun préjudice. J’espère aussi soumettre à Charles de fortes et puissantes raisons pour lui montrer comment une alliance d’amitié, conclue entre la Bourgogne et les Cantons unis de la Suisse, est, de la part de son Altesse, une mesure sage et généreuse. Mais il est possible que je ne réussisse pas sur ce dernier point ; et, dans ce cas, j’en serai vivement fâché. Quant à votre libre passage pour aller à la cour du duc et pour revenir ensuite sains et saufs dans votre pays, je crois pouvoir vous le garantir avec succès. Dans le cas contraire, ma propre vie et celle de mon fils bien-aimé vous dédommageront de mon excès de confiance en la justice et l’honneur du duc. »

Les autres députés gardèrent le silence et fixèrent les yeux sur le landamman ; mais Rudolphe Donnerhugel parla.

« Allons donc exposer notre vie, dit-il, et une vie qui nous est encore plus chère, celle de notre honorable collègue Arnold Biederman, sur la parole d’un négociant étranger ? Nous savons tous quel est le caractère du duc, et quelle animosité, quelle rancune il a toujours montrées contre notre pays et ses intérêts. Il me semble que ce marchand anglais devrait expliquer plus clairement la nature de son crédit à la cour de Bourgogne, s’il veut que nous lui accordions toute notre confiance. — C’est une chose, seigneur Rudolphe Donnerhugel, répliqua le marchand, que je ne suis pas libre de faire. Je ne cherche pas à pénétrer vos secrets ; qu’ils vous appartiennent comme corps ou comme particuliers : les miens sont sacrés aussi. Si je ne consultais que ma propre sûreté, j’agirais plus sagement en me séparant de vous ici ; mais l’objet de votre mission est la paix, et votre retour soudain après ce qui s’est passé à La Ferette, rendrait la guerre inévitable. Je crois pouvoir vous assurer une audience libre et sûre du duc, et je suis prêt, avec la chance de maintenir la paix dans la chrétienté, à braver tout péril personnel que je puis rencontrer. — N’en dites pas davantage, digne Philipson, reprit le landamman : nous ne doutons pas de votre bonne foi, et malheur à celui qui ne la lirait pas écrite sur votre front. Nous marcherons donc en avant, disposés plutôt à compromettre notre sûreté, en nous mettant au pouvoir d’un prince despote, qu’à ne pas accomplir la mission dont notre pays nous a chargés. Il n’est brave qu’à moitié celui qui ne risque sa vie que sur un champ de bataille : il y a d’autres dangers qu’il est également honorable d’affronter ; et puisque le bien de la Suisse exige que nous les affrontions, personne de nous n’hésitera à en courir les risques.