Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/224

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Dans une petite chapelle attenant à l’église et consacrée à saint Magnus le martyr, les quatre députés étaient réunis en conciliabule secret autour de la châsse où se tenait le pieux héros, armé comme de son vivant. Le prêtre de Saint-Paul était aussi présent, et semblait s’intéresser beaucoup au débat qui allait s’ouvrir. Lorsque Philipson entra, tous gardèrent le silence, et au bout d’un instant le landamman lui adressa ainsi la parole : « Seigneur Philipson, nous estimons en vous un homme qui a fait de longs voyages, qui par suite est bien versé dans la connaissance des mœurs de chaque pays, et doit connaître le naturel de ce duc, Charles de Bourgogne : vous êtes donc capable de nous conseiller dans une conjoncture aussi critique. Vous savez avec quelle ardeur nous désirons atteindre le but de notre mission, la paix avec le duc ; vous savez aussi les choses qui sont arrivées aujourd’hui, et qui seront probablement représentées à Charles sous les plus noires couleurs… Nous conseillez-vous, dans une telle situation, d’aller à la cour du duc chargés de l’odieux que nous attirera cette action, ou ferions-nous mieux de retourner chez nous, et de nous préparer à la guerre contre la Bourgogne ? — Quelles sont vos propres opinions à ce sujet ? » dit le prudent Anglais aux députés.

« Nous sommes divisés, répondit le banneret de Berne… J’ai porté la bannière de Berne contre ses ennemis pendant trente années ; je suis plus disposé à la porter encore contre les lances des chevaliers du Hainaut et de la Lorraine, qu’à subir le dur traitement que nous devons nous attendre à recevoir devant le trône du duc. — Nous mettons nos têtes dans la gueule du lion si nous allons en avant, dit Zimmerman de Soleure… mon opinion est que nous rebroussions chemin. — Je ne conseillerais pas de battre en retraite, dit Rudolphe Donnerhugel, si ma vie seule devait être exposée ; mais le landamman d’Unterwalden est le père des Cantons-Unis, et ce serait un parricide si je consentais à mettre sa vie en péril. Mon avis est que nous retournions sur nos pas, et que la confédération se prépare à la défense. — Mon opinion est différente, dit Arnold Biederman, et je ne pardonnerai jamais à personne de mettre ma pauvre vie, par amitié feinte ou réelle, en balance avec l’avantage des cantons. Si nous avançons, nous risquons nos têtes… soit ; mais si nous reculons ; nous entraînons notre pays dans une guerre terrible avec une puissance de la première importance en Europe. Dignes compatriotes ! vous êtes braves dans l’action… montrez donc aussi du courage dans la circonstance actuelle, et