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de profiter des circonstances qui avaient si inopinément changé la perfidie méditée si odieusement en une joyeuse et cordiale réception.

Au milieu de cette scène de confusion, il était impossible à Arthur de quitter son père, même pour satisfaire aux sentiments qui le portaient à désirer d’avoir quelques instants à sa disposition. Triste, pensif, morose même malgré la joie universelle, il demeura avec le père qu’il avait tant raison de chérir et d’honorer, pour l’aider à reprendre et à replacer sur leur mule les différents paquets et ballots que les honnêtes Suisses avaient recouvrés après la mort d’Hagenbach, et qu’ils s’empressaient tous à l’envi de rapporter à leur légitime propriétaire ; tandis qu’ils ne consentaient qu’avec peine à recevoir les récompenses que l’Anglais, grâce aux richesses qui se trouvaient encore en sa possession, était disposé non seulement à offrir, mais encore à faire accepter de force, et qui semblaient à ces braves et simples gens excéder de beaucoup la valeur des objets qu’ils lui avaient rendus.

Cette scène avait à peine duré dix ou quinze minutes, lorsque Rudolphe Donnerhugel s’approcha du vieux Philipson et l’engagea très poliment à assister aux conseils des chefs de l’ambassade des cantons suisses qui désiraient, dit-il, profiter de son expérience et avoir son avis sur plusieurs importantes questions relativement à la conduite qu’ils devaient tenir dans ces circonstances imprévues.

« Veille à nos affaires, Arthur, et ne quitte point le lieu où je te laisse, » dit Philipson à son fils, « Occupe-toi surtout du paquet cacheté qu’on m’a pris d’une manière si illégale et si infâme : il est de la plus haute importance de le recouvrer. »

En parlant ainsi, il se prépara aussitôt à suivre le Bernois, qui, d’un ton confidentiel et à demi-voix, en se rendant avec lui, bras dessus, bras dessous, à l’église de Saint-Paul, lui dit :

« Je pense qu’un homme de votre sagesse ne nous conseillera point de nous lier au duc de Bourgogne après le double affront qu’il a reçu de nous, la perte de sa forteresse et la mise à mort de son officier. Vous seriez du moins assez judicieux pour ne pas rester plus long-temps avec nous ainsi que votre compagnie ; car si vous demeuriez avec nous, ce serait nous pousser volontairement à notre ruine. — Je donnerai mon meilleur avis, répliqua Philipson, lorsque je serai plus particulièrement informé des circonstances dans lesquelles on me le demande. »

Rudolphe murmura un jurement ou une exclamation de colère, et conduisit Philipson à l’église sans plus de discussion.