Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/220

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bonnet d’office, il reçut les bravos multipliés de la foule, qui étaient moitié sincères moitié dus à la scène burlesque d’une métamorphose si étonnante.

Arnold Biederram retrouva enfin la parole, que le comble de la surprise lui avait d’abord ôtée. En effet, toute l’exécution s’était passée trop rapidement pour qu’il lui fût possible d’intervenir.

« Qui a osé faire jouer cette tragédie ? » demanda-t-il avec indignation ; « et de quel droit a-t-elle eu lieu ? »

Un cavalier, richement habillé de bleu, répondit à la question :

« Les citoyens libres de Bâle ont agi pour eux-mêmes comme les pères de la liberté suisse leur en ont donné l’exemple ; et le tyran Hagenbach est tombé par le même droit qui a mis à mort le tyran Gessler. Nous l’avons supporté jusqu’à ce que la coupe de ses iniquités fût pleine, et alors nous n’avons pu le supporter plus long-temps. — Je ne dis point qu’il ne méritait pas la mort, répliqua le landamman ; mais dans votre intérêt comme dans le nôtre, vous auriez dû l’épargner jusqu’à ce que le bon plaisir du duc fût connu. — Que nous parlez-vous du duc ? » reprit Laurentz Neipperg, ce même cavalier bleu qu’Arthur avait vu au rendez-vous secret des jeunes Bâlois, de compagnie avec Rudolphe ; « pourquoi nous parler de Bourgogne, à nous qui ne sommes pas ses sujets ? L’empereur, notre seul légitime maître, n’a aucun droit à engager la ville et les fortifications de La Ferette, qui est une dépendance de Bâle, au préjudice de notre propre cité libre. Il pouvait bien sans doute en hypothéquer les revenus ; et, en supposant qu’il l’ait voulu faire, la dette lui a été plus qu’au double payée par les exactions qu’avait levées l’oppresseur qui vient de recevoir sa juste punition. Mais passez votre chemin, landamman d’Unterwalden : si nos actions vous déplaisent, désavouez-les au pied du trône de Charles de Bourgogne, mais en le faisant, désavouez aussi la mémoire de Guillaume Tell, de Furst et de Melchtal, pères de la liberté suisse. — Vous dites vrai, répliqua le landamman ; mais le temps est malheureux et mal choisi. La patience aurait remédié à vos maux, que personne ne ressentait plus vivement et que personne n’aurait redressés plus volontiers que moi. Mais, ô imprudent jeune homme ! vous avez mis de côté la modestie de votre âge et la soumission que vous devez à vos anciens. Guillaume Tell et ses frères étaient des hommes mûris par les années et la sagesse, des maris et des pères qui avaient droit d’être entendus au conseil et de marcher les premiers à l’action. Suffit… Je laisse aux pères et aux sénateurs de votre ville à reconnaître