Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/208

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aux nouvelles qu’il apprenait. Le vieux Philipson avait mérité son respect aussi bien par la pureté et la fermeté des principes qu’il émettait, que par l’étendue et la profondeur de ses connaissances, qui étaient particulièrement précieuses et intéressantes pour le Suisse, attendu qu’il sentait combien son admirable jugement était, pour ainsi dire, enchaîné, faute de ce savoir raisonné sur les pays, les temps et les mœurs, auquel son ami l’Anglais avait souvent suppléé.

« Hâtons-nous ! » dit-il au banneret de Berne et aux autres députés ; « allons offrir notre médiation entre le tyran Hagenbach et notre ami, dont les jours sont en danger. Il faudra qu’il nous écoute, car je sais que son maître s’attend à voir ce Philipson à sa cour : ce vieillard me l’a donné à entendre. Comme nous possédons un tel secret, Archibald d’Hagenbach n’osera jamais braver notre vengeance, puisque nous pouvons aisément faire savoir au duc Charles comment le gouverneur de La Ferette abuse de son pouvoir dans les affaires qui concernent non seulement les Suisses, mais le duc lui-même. — Sauf votre respect, mon digne monsieur, répondit le banneret de Berne, nous sommes députés suisses, et nous allons exposer les griefs de la Suisse seule. Si nous nous embrouillons dans des querelles d’étrangers, il en arrivera que nous aurons plus de peine à terminer celles de notre propre pays ; et si le duc allait, par cette violence commise sur des marchands anglais, s’attirer le ressentiment du roi d’Angleterre, la rupture entre les deux princes ne ferait que mettre plus certainement Charles dans la nécessité de conclure un traité avantageux aux cantons suisses. »

Il y avait tant de politique mondaine dans cette opinion, qu’Adam Zimmerman de Soleure y donna aussitôt son assentiment, et ajouta, en outre, comme raison concluante, que leur confrère Biederman leur avait dit, à peine deux heures auparavant, que ces marchands anglais, d’après son avis et par suite de leur volonté libre, s’étaient séparés d’eux dans la matinée, de crainte d’envelopper la députation dans les querelles qui pourraient être occasionnées par suite des exactions qu’exercerait le gouverneur sur leur marchandise.

« Maintenant quel avantage, dit-il, tirerons-nous de cette séparation, en supposant, comme mon collègue semble le prétendre, que nous devions encore nous intéresser à cet Anglais autant que s’il était resté notre compagnon de voyage et sous notre protection spéciale ? »