Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/203

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plus malheureux ; car, dans sa précipitation à fermer son livre et à faire son devoir, il se jeta, par inadvertance sans doute, en plein dans le chemin du soldat. Celui-ci, qui courait à toutes jambes, le heurta si violemment qu’ils en tombèrent tous deux à terre ; mais le bourgeois, qui était un homme d’un embonpoint solide, resta à la place où il était tombé, tandis que l’autre, moins pesant et probablement moins préparé au choc, perdit l’équilibre et la faculté de se tenir sur ses jambes, et, roulant sur la pente du fossé, il alla s’enfoncer dans la vase et dans les herbes. Le pêcheur et le lecteur ne vinrent que très posément secourir leur compagnon de garde qu’ils n’attendaient pas, et qui n’était guère le bienvenu ; tandis qu’Arthur, pressé par le sentiment d’un danger si imminent, s’élançait de nouveau vers la barrière avec plus de vigueur et d’adresse que la première fois, et, réussissant à la franchir, se dirigeait, comme on le lui avait recommandé, en toute hâte vers le taillis voisin. Il y arriva sans avoir entendu qu’on donnât l’alarme sur les remparts. Mais il sentit que sa position devenait extrêmement précaire, puisque son évasion de la ville était connue d’un homme au moins, qui ne manquerait pas de donner l’alarme dans le cas où il parviendrait à se tirer de la bourbe, tâche pour laquelle Arthur crut remarquer que les bourgeois lui prêtaient une assistance plus apparente que réelle. Tandis que cette idée s’emparait de son esprit, elle contribuait à augmenter encore l’agilité naturelle de ses pieds, de sorte qu’en moins de temps qu’on n’aurait cru la chose faisable il gagna l’extrémité la moins touffue des buissons, d’où, comme l’en avait prévenu le prêtre noir, il put distinguer la tour de l’Est et les remparts adjacents de la ville

Tout couverts de soldats et d’armes redoutables.

Il fallut encore une certaine adresse de la part du fugitif pour se cacher de manière à n’être pas aperçu à son tour par ceux qu’il voyait si distinctement. Il s’attendait donc, à chaque instant, à ouïr le son du cor, ou à voir parmi les défenseurs un mouvement tumultueux qui devait annoncer une sortie. Mais aucune de ces craintes ne se réalisa, et observant avec précaution s’il prenait bien le sentier que le prêtre lui avait désigné, le jeune Philipson, continuant sa course, fut bientôt hors de vue des tours ennemies, et tombant enfin dans la route publique et fréquentée par laquelle son père et lui étaient arrivés le matin même à la ville, il eut le bonheur de reconnaître à un nuage de poussière et au brillant des ar-