Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/197

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revît dans une circonstance où il devait le moins s’attendre à les revoir. L’inexprimable étonnement du prisonnier lui imprima une espèce de respect religieux qui domina même ses craintes personnelles… « Est-ce possible ? » se demandait-il tout bas ; « a-t-elle réellement la puissance d’un esprit élémentaire ? a-t-elle évoqué ce noir démon de la terre pour qu’il travaillât avec elle à ma délivrance ? »

Sa supposition parût bientôt se réaliser, car la figure noire, donnant la lumière à Anne de Geierstein, ou du moins à l’apparition qui portait sa parfaite ressemblance, s’avança vers le prisonnier, et coupa la corde qui lui liait les bras avec tant de promptitude qu’elle sembla tomber comme par enchantement. La première tentative d’Arthur pour se lever fut infructueuse ; et une seconde fois ce fut la main d’Anne de Geierstein…. main vivante, sensible au toucher comme à la vue…. qui l’aida à se remettre sur ses pieds et à se soutenir comme elle avait déjà fait lorsque le torrent retentissait sous leurs pas. Son contact produisit un effet beaucoup plus profitable que l’aide physique dont les faibles forces de la jeune fille la rendaient capable. Le courage fut rendu à son cœur, la vigueur et la vie revinrent à ses membres meurtris et déchirés : si grande est l’influence de l’esprit humain sur les infirmités du corps quand son énergie est mise en jeu ! Il allait adresser la parole à Anne, avec l’accent de la plus vive reconnaissance ; mais les mots moururent au bout de sa langue, lorsque la vierge mystérieuse, mettant un doigt sur ses lèvres, lui fit signe de garder le silence, et en même temps l’engagea à la suivre. Il obéit, muet de surprise. Ils franchirent le seuil de l’affreux cachot, et parcoururent deux ou trois corridors étroits, mais compliqués, qui, taillés dans le roc en certains endroits, et construits dans d’autres en pierres de taille non moins dures, conduisaient probablement à des caveaux semblables à celui où Arthur était depuis si peu de temps captif.

L’idée que son père pouvait bien être enfermé dans quelque horrible cellule comme celle d’où il venait de sortir engagea Arthur à s’arrêter un instant, lorsqu’ils arrivèrent au bas d’un petit escalier tournant qui conduisait sans doute hors de cette partie souterraine de l’édifice.

« Venez, chère Anne, dit-il, conduisez-moi à sa délivrance : je ne veux pas laisser ici moi père. »

Elle secoua impatiemment la tête, et lui fit signe de monter.

« Si votre pouvoir n’est pas assez grand pour sauver mon père,