Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/196

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Cependant Arthur Philipson n’était pas égoïste dans son infortune. Ses pensées le reportaient vers son père, dont le caractère juste et noble était aussi bien fait pour attirer la vénération, que ses soins assidus et son affection paternelle pour exciter l’amour et la reconnaissance. Lui aussi, il était entre les mains de ces scélérats sans remords, qui étaient résolus à cacher un vol par un meurtre secret… lui aussi, intrépide devant de si nombreux dangers, courageux en tant d’occasions, se trouvait enchaîné, exposé sans défense au poignard du plus vil assassin. Arthur se rappelait également la cime aiguë du rocher de Geierstein, et l’affreux vautour qui le réclamait comme sa proie. Dans son cachot, point d’ange qui apparût au milieu du brouillard pour le remettre en chemin sûr… les ténèbres y étaient souterraines et éternelles ; seulement le prisonnier verrait le couteau de son meurtrier reluire à la faveur de la lampe qui devait lui servir à ajuster le coup fatal. Cette agonie mentale du malheureux captif ne cessa que pour être remplacée par le délire. Il se leva et se débattit si violemment pour se délivrer de ses liens, qu’il aurait semblé qu’on allait les voir tomber de ses bras comme ceux du tout-puissant Nazaréen. Mais les cordes étaient d’une nature trop solide, et après de rudes et inutiles efforts, qui parurent faire entrer les liens dans la chair même, le prisonnier perdit l’équilibre ; et tandis que dans son égarement il croyait rouler dans l’abîme souterrain, il tomba avec force à terre.

Heureusement il échappa au danger qu’il avait tant craint dans son agonie, mais il s’en fallut de si peu, que sa tête frappa contre le rebord bas et rompu en partie dont la bouche de l’horrible précipice était entourée. Il gisait là, étourdi et immobile ; et comme la lampe s’était éteinte dans sa chute, il se trouvait plongé dans une obscurité complète et absolue. Il fut rappelé au sentiment par un bruit discordant.

« Ils viennent… ils viennent… les meurtriers ! Oh ! Notre-Dame de Merci ! oh ! ciel miséricordieux, pardonnez-moi mes péchés ! »

Il regarda autour de lui et aperçut, avec des yeux effrayés, qu’une forme noire s’approchait, un coutelas d’une main et une torche de l’autre. Il aurait eu tout l’air de l’homme qui venait expédier le malheureux captif, s’il était venu seul ; mais il ne venait pas seul… La torche se reflétait sur la robe blanche d’une femme, qui était éclairée de manière qu’Arthur put distinguer une forme et même reconnaître des traits qu’il ne pouvait oublier, bien qu’il les