Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/193

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que si le coup eût été frappé en plein jour avec l’honorable insigne de mes fonctions. »

Hagenbach regarda fixement l’exécuteur, comme ne comprenant pas ce qu’il voulait dire, d’où Kilian prit occasion de lui expliquer que Steinernherz était intimement convaincu, d’après la conduite calme et intrépide du plus vieux prisonnier, que c’était un homme de sang noble, dont la décapitation lui assurerait la jouissance de tous les avantages promis au bourreau qui peut remplir son office sur dix individus d’extraction illustre.

« Il peut avoir raison, dit sir Archibald, car voici un bout de parchemin où l’on recommande au duc le porteur de ce collier, en le priant de l’accepter comme un gage de fidélité de la part d’une personne à lui bien connue, et d’ajouter foi aux discours de l’envoyé pour tout ce qu’il dira au nom de ceux qui l’envoient. — Par qui est signée cette note, si je puis me permettre cette question ? dit Kilian. — Il n’y a point de nom… il faut supposer que le duc le reconnaîtra d’après les bijoux et peut-être d’après l’écriture. — Deux points sur lesquels il n’aura vraisemblablement pas de sitôt l’occasion d’exercer sa sagacité, » dit Kilian.

Hagenbach regarda les diamants et sourit en dessous. L’exécuteur des hautes œuvres, encouragé par la familiarité qu’il avait pour ainsi dire établie violemment, en revint à ses moutons, et insista sur la noblesse du prétendu marchand. Un pareil dépôt, une semblable lettre de créance illimitée n’auraient jamais pu, soutenait-il, être confiés à un homme de basse origine. — Tu te trompes, imbécile, dit le chevalier ; les rois emploient maintenant les plus vils instruments pour faire leur plus importante besogne. Louis a donné l’exemple en nommant son barbier et ses valets de chambre à des fonctions jadis remplies par des ducs et pairs ; d’autres monarques commencent à penser qu’il vaut mieux, quand il s’agit de choisir des agents pour des affaires majeures, juger les gens plutôt d’après les qualités de la tête que d’après celles du sang. Et quant au regard fier et à la mine intrépide qui distinguent ce vieux drôle à des yeux de poltrons comme les tiens, ils tiennent à son pays et non à son rang. Tu t’imagines qu’il en est en Angleterre comme en Flandre, où un bon bourgeois de Gand, de Liège ou d’Ypres, est un animal aussi distinct d’un chevalier du Hainaut qu’un limonier flamand d’un coureur espagnol. Mais tu te trompes. l’Angleterre a maint marchand chez qui le cœur est aussi fier et la main aussi prompte que chez les plus nobles de ses nobles enfants.