Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/180

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le moindre sentiment de décence envers un ministre des autels devrait vous empêcher de m’engager à dire des prières pour la réussite de vos rapines et de vos brigandages. — Je vous comprends, mon père, » répliqua le sordide gouverneur, « et vous verrez si je dis vrai. Tant que vous êtes sujet du duc, vous devez par votre place offrir au ciel vos prières pour son succès dans ces entreprises qui sont légalement conduites. Je reconnais au signe gracieux que fait votre vénérable tête que vous m’accordez ce point. Eh bien ! alors, je serai aussi raisonnable que vous l’êtes. Quand je dis que nous désirons obtenir l’intercession des bons saints et de vous, leur pieux interprète, pour une chose qui sort un peu des voies ordinaires, et qui, si vous le voulez, est d’une nature un peu douteuse… est-ce à dire que nous ayons le droit de les prier, eux ou vous, sans récompenser justement leurs peines ou les vôtres ? Assurément non. Je fais donc vœu et je promets solennellement que, si je termine avec bonheur l’aventure de la matinée, saint Paul aura une nappe d’autel et un bassin d’argent, large ou petit, suivant que mon butin le permettra… Notre-Dame, une pièce de satin assez longue pour rendre sa parure complète, avec un collier de perles pour les dimanches… et vous, prêtre, vous recevrez quelques vingtaines de larges pièces d’or anglaises pour avoir servi d’intermédiaire entre les bienheureux saints et nous, car nous reconnaissons que nous sommes trop indigne et trop profane pour négocier en personne avec eux. Maintenant, seigneur prêtre, nous comprenons-nous bien ? car j’ai peu de temps à perdre. Je sais que vous avez mauvaise opinion de moi, mais vous voyez que le diable n’est pas si horrible qu’on le représente. — Nous comprenons-nous bien ? » répondit le prêtre noir de Saint-Paul, en répétant la question du gouverneur… « Hélas ! non, et j’ai peur que nous ne nous comprenions jamais. Avez-vous jamais entendu les paroles dites par le saint ermite Berchtold d’Offringen à l’implacable reine Agnès, qui avait vengé avec une si effroyable sévérité l’assassinat de son père, l’empereur Albert ? — Non, répliqua le chevalier, je n’ai étudié ni les chroniques des empereurs, ni les légendes des ermites ; c’est pourquoi, seigneur prêtre, si ma proposition ne vous convient pas, n’en parlons pas davantage. Je ne suis pas accoutumé à faire accepter mes faveurs de force, ni à babiller avec des prêtres qu’il faut supplier lorsqu’on leur offre des cadeaux. — Écoutez encore les paroles du saint homme : le temps peut venir, et bientôt, où vous désirerez vivement entendre ce que vous rejetez avec dédain. — Parlez, mais