Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/178

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voureux que le vin léger de la Moselle, et porter un pourpoint de brocard au lieu de velours gras. Et il n’est pas moins nécessaire que Kilian endosse un justaucorps neuf et décent, avec une bourse de ducats qui sonne à sa ceinture. — Sur ma foi ! ce dernier argument a désarmé mes scrupules, et j’abandonne la partie, attendu qu’il ne me convient pas de disputer avec Votre Excellence. — À l’ouvrage donc ! Mais attendez… Il nous faut d’abord mettre l’Église dans nos intérêts. Le curé de Saint-Paul s’est fâché dernièrement ; il a tenu en chaire d’étranges propos, comme si nous ne valions guère mieux que des voleurs et des brigands ordinaires. Même il a eu l’insolence de m’avertir, comme il dit, et deux fois, d’une singulière façon. Il serait bien de casser la tête pelée à ce vieux grognard ; mais comme la chose pourrait être mal prise par le duc, le plus sage parti à prendre est de lui jeter un os. — Il peut être un dangereux ennemi, car son pouvoir est grand sur le peuple, » dit le peureux écuyer.

« Bah ! je connais le moyen de désarmer le tondu. Envoyez-le chercher, et dites-lui de venir me parler ; veillez à ce que la barbacane et la porte soient bien munies d’archers ; apostez des lanciers dans les maisons de chaque côté de la rue ; que la rue elle-même soit barricadée de chariots, bien embarrassés les uns dans les autres, mais comme s’ils se trouvaient là par hasard… Placez un corps de gaillards déterminés sur ces chariots et par derrière. Aussitôt que les marchands et leurs mules entreront, car… les mules… c’est le principal de l’affaire, levez-moi le pont-levis, abaissez-moi la herse, envoyez-moi une pluie de flèches contre les arrivants, s’ils font mine de résister ; si quelques uns entrent, désarmez-les, et qu’ils soient enfermés entre la barricade devant eux et l’embuscade derrière et autour… Et alors, Kilian… — Alors, comme de joyeux compagnons libres, nous fouillerons jusqu’au coude dans les poches anglaises… — Et, comme de gais chasseurs, nous nous baignerons jusqu’aux genoux dans le sang suisse. — Mais le gibier pourra bien ne pas se laisser prendre aisément… Ils sont conduits parce Donnerhugel dont nous avons entendu parler, qu’ils appellent le jeune Ours de Berne. Ils ne manqueront pas de se défendre. — Tant mieux, l’ami ! aimerais-tu mieux tuer des brebis que chasser des loups ? En outre, nos instruments sont prêts, et toute la garnison nous soutiendra. Honte à vous, Kilian !… Vous n’aviez pas coutume d’être si scrupuleux. — Je ne le suis encore guère… Mais ces hallebardes suisses et ces sabres à deux mains ne sont pas