Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/172

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Charles de Bourgogne appelle les amis que nous venons de quitter ? C’est une question à laquelle il est trop aisé de répondre. Une guerre fatale aux intérêts de toutes les parties, sauf à Louis de France, aura certainement lieu, et elle sera terrible la mêlée, si les rangs de la chevalerie bourguignonne rencontrent les hommes de fer des montagnes, devant qui sont tombés coup sur coup tant de nobles Allemands. — Je suis tellement convaincu de la vérité de vos paroles, mon père, qu’à mon avis ce jour ne se passera point sans une rupture de la trêve. J’ai déjà mis ma cotte de mailles en cas que nous rencontrions mauvaise compagnie entre Graff’s-Lust et La Ferette ; et plût au ciel que vous prissiez la même précaution ! Cela ne nous retardera guère, et je vous avoue que moi, du moins, je voyagerai alors avec plus de sécurité. — Je vous comprends, mon fils ; mais je suis un pacifique voyageur sur le territoire du duc de Bourgogne, et je ne dois pas supposer trop promptement que sous l’ombre de sa bannière il faille me mettre en garde contre des bandits, comme si j’étais dans les déserts de la Palestine. Quant à l’autorité de ses officiers et à l’étendue de leurs exactions, je n’ai pas besoin de vous dire que, dans notre position, ce sont des choses auxquelles il faut nous soumettre sans colère et sans murmure. »

Laissant les deux voyageurs se diriger vers La Ferette à loisir, je vais transporter mes lecteurs à la porte orientale de cette petite ville qui, située sur une éminence, domine le pays dans toutes les directions, mais particulièrement dans celle de Bâle. Elle ne faisait pas, à proprement parler, partie des domaines du duc de Bourgogne, mais lui avait été remise comme gage ou garantie du paiement d’une somme considérable due à Charles par l’empereur Sigismond d’Autriche, à qui la seigneurie de la place appartenait en propriété. Mais la ville était si convenablement située pour nuire au commerce de la Suisse et infliger à ce peuple, qu’il haïssait et méprisait, des marques de sa malveillance, qu’on croyait généralement que le duc de Bourgogne ne consentirait jamais à aucune condition de rachat, si équitables et si avantageuses qu’elles fussent, qui auraient pour résultat de rendre à l’empereur un poste avancé, aussi favorable à ses projets haineux que la petite ville de La Ferette.

La situation de cette ville était forte par elle-même ; les fortifications qui l’entouraient, à peine suffisantes pour repousser toute attaque soudaine, n’étaient pas capables de résister le moins du monde à un siège en règle. Les rayons du matin brillaient sur le