Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/171

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ritable interprétation des mystères qui à présent m’environnent. Mais songer que je puis avoir commis une bévue tendant à la mettre au pouvoir de ce féroce rustaud, ce sera pour moi un éternel sujet de remords ! »

Là il fut tiré de sa rêverie par la voix de son père : « Eh bien ! qu’est-ce donc à dire, mon fils ? Es-tu éveillé, Arthur, ou dors-tu debout des fatigues du service de la nuit précédente ? — Non, mon père, » répondit Arthur revenant soudain à lui-même. « C’est un peu d’engourdissement peut-être ; mais l’air frais du matin le dissipera bientôt. »

Marchant avec précaution au milieu du groupe de dormeurs qui étaient couchés à l’entour, le vieux Philipson, lorsqu’ils eurent gagné la porte de l’appartement, se retourna, et regardant la couche de paille sur laquelle se faisaient remarquer les larges membres du landamman et la barbe argentée de son fidèle compagnon éclairés des premiers rayons du jour, il murmura entre ses lèvres un adieu involontaire :

« Adieu, modèle de la bonne foi et de l’intégrité antiques… adieu, noble Arnold… adieu, âme pleine de vérité et de candeur… à qui lâcheté, égoïsme et fausseté sont assurément inconnus. — Et adieu, pensa son fils, à la plus aimable, à la plus candide, à la plus mystérieuse des vierges… » Mais cet adieu, comme on doit bien le croire, ne fut pas, comme celui de son père, exprimé par des paroles.

Ils eurent bientôt après franchi la porte du château. Le domestique suisse fut libéralement récompensé, et chargé de porter encore des paroles d’adieu et de souvenir au landamman de la part de ses hôtes anglais, ainsi que de l’assurer de leur espérance et de leur désir qu’ils pussent se rejoindre sur le territoire de Bourgogne. Le jeune homme prit alors la bride de la mule, et conduisit l’animal d’un pas ordinaire, son père marchant à côté de lui.

Après un silence de plusieurs minutes, le vieux Philipson s’adressa à Arthur : « Je crains, dit-il, que nous ne revoyions plus le digne landamman. Les jeunes gens qui l’accompagnent sont disposés à ressentir vivement un affront… le duc de Bourgogne, j’en ai peur, ne manquera pas de leur en donner un ample prétexte… et la paix que désire l’excellent homme pour la terre de ses pères sera devenue impossible avant qu’ils paraissent devant le duc ; et quand même il en serait autrement, le prince le plus fier de l’Europe supportera-t-il les réprimandes de bourgeois et de paysans, comme