Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/167

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le contenter en ce qui nous concerne personnellement. En attendant, je vais tout de suite éveiller le landamman, et lui faire part de notre résolution. »

Il le fit à l’instant, car Philipson n’était pas long à exécuter ses projets. Au bout d’une minute il fut auprès d’Arnold Biederman, qui, s’appuyant sur le coude, écouta sa communication, tandis que par dessus l’épaule du landamman passait la tête et la longue barbe du député de Schwitz, son grand œil bleu luisant de dessous un bonnet de fourrure, et fixé sur la figure de l’Anglais, mais jetant de temps à autre un regard autour de lui pour observer l’impression que ce qui était dit produisait sur ses collègues.

« Mon digne et cher hôte, disait le vieux Philipson, nous avons ouï dire qu’il était certain que nos pauvres marchandises seraient exposées à des taxes, même à une saisie, lors de notre passage à La Ferette, et je m’estimerais heureux d’éviter toute cause de querelle, dans votre intérêt aussi bien que dans le nôtre. — Mais vous ne doutez pas que nous ne puissions vous protéger, que nous ne vous protégions ? répliqua le landamman. Je vous dis, Anglais, que l’hôte d’un Suisse est aussi en sûreté à côté de lui qu’un aiglon sous l’aile de sa mère ; et nous quitter parce que le danger approche, c’est faire injure à notre courage et à notre constance. Je désire la paix ; mais le duc de Bourgogne lui-même ne fera jamais le moindre mal à un de mes hôtes, autant que je pourrai l’en empêcher. »

À ces mots le député de Schwitz ferma son poing, gros comme un jarret de bœuf, et l’étendit par dessus l’épaule de son ami.

« C’est précisément pour éviter ce malheur, mon digne hôte, répliqua Philipson, que j’ai résolu de quitter votre agréable compagnie plus tôt que je ne l’aurais désiré, et que je ne m’y serais attendu. Songez-y, mon brave et digne hôte, vous êtes un ambassadeur qui cherchez la paix, et moi un marchand qui cherche le gain. La guerre, les querelles qui peuvent causer la guerre sont également nuisibles à vos projets et aux miens. Je vous avoue franchement que je suis dans l’intention et en état de payer une forte rançon, et quand vous serez parti, j’en négocierai le montant. Je séjournerai dans la ville de Bâle jusqu’à ce que j’obtienne de justes conditions d’Archibald d’Hagenbach, et fût-il même aussi avide que vous le dépeigniez, il se modérera plutôt un peu avec moi que de perdre tout profit en m’obligeant à retourner sur mes pas ou à prendre une autre route. — Vous parlez sagement, seigneur An-