Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/164

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grave faute militaire, et vous avez rêvé en dormant. Vous avez été bien heureux que le landamman n’ait pas soupçonné votre négligence, car, au lieu d’être renvoyé à votre faction, comme un chien de garde paresseux, on aurait bien pu vous chasser à coups de fouet comme indigne de confiance vers votre chenil de Geierstein, ainsi qu’il est arrivé pour une faute plus légère à ce pauvre Ernest… — Ernest n’est pas encore parti pourtant, et je crois qu’il pourra bien pénétrer en Bourgogne aussi avant que nous-mêmes, cette fois. Je vous prie cependant, capitaine, de ne pas me traiter en chien, mais en homme, et d’envoyer quelqu’un me relever, au lieu de babiller ici par une nuit si froide. S’il doit y avoir quelque chose à faire demain matin, et la chose me paraît assez probable, une bouchée de nourriture et une minute de sommeil seront un préparatif fort convenable, car je suis resté ici en sentinelle pendant deux mortelles heures. »

Le jeune géant se mit alors à bâiller d’une manière effroyable, comme pour donner une nouvelle force aux raisons dont il appuyait sa requête.

« Une bouchée et une minute, reprit Rudolphe… un bœuf rôti et une léthargie comme celle des sept dormants suffiraient à peine pour rendre leur force à tes membres las et engourdis. Mais je suis ton ami, Sigismond, et tu peux compter sur un rapport favorable de ma part ; tu vas être relevé à l’instant, afin d’aller dormir, s’il est possible, sans être troublé par des rêves… Passez, jeunes gens, » continua-t-il, en s’adressant aux autres qui le rejoignaient en ce moment, « et allez prendre du repos ; Arthur d’Angleterre et moi nous rendrons compte de notre patrouille au landamman et au banneret. »

La patrouille entra donc dans le château, et les hommes qui rentraient eurent bientôt rejoint leurs compagnons endormis. Rudolphe Donnerhugel saisit le bras d’Arthur, et tandis qu’ils se dirigeaient vers la grande salle, il lui dit à l’oreille…

« Voilà d’étranges événements !… croyez-vous que nous devions en faire le rapport à la députation ? — Je dois, répondit Arthur, m’en remettre à vous, qui êtes notre capitaine. J’ai rempli mon devoir en vous disant ce que j’avais vu… ou cru voir… C’est à vous de juger jusqu’à quel point il est convenable d’en instruire le landamman : seulement, comme la chose intéresse l’honneur de sa famille, je pense que c’est à son oreille seule qu’il faut la confier. — Je ne vois pas qu’il soit nécessaire de rien dire, répliqua aussitôt