Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/162

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n’en avait pas le temps, car ils furent aussitôt arrêtés par le qui-vive de la sentinelle du pont-levis.

Il fallut qu’ils répondissent d’une manière satisfaisante, et deux fois au cri de qui va là, avant que Sigismond permît à la patrouille de traverser le pont. — Âne et mulet que tu es, dit Rudolphe, que signifie un délai pareil ? — Âne et mulet toi-même, capitaine, » répliqua le Suisse à cette demande. « J’ai déjà été surpris une fois cette nuit à mon poste par un lutin, et j’ai acquis bien assez d’expérience sur cette matière pour ne pas m’y laisser prendre aisément une autre fois. — Quel lutin, imbécile, serait assez sot pour venir jouer ses tours aux dépends d’un pauvre animal comme toi ? — Tu es aussi bourru que mon père, capitaine, qui cries au fou et à l’imbécile à chaque mot que je dis ; et pourtant j’ai des lèvres, une langue et des dents pour parler, aussi bien que les autres. — Nous ne discuterons pas sur ce sujet. Il est clair que si tu diffères des autres gens, c’est par un point particulier qu’on ne doit guère espérer que tu puisses sentir ni reconnaître. Mais qu’est-ce donc, je te le demande au nom de la vérité, qui t’a alarmé à ton poste ? — Tenez, voici la chose, capitaine. Je m’ennuyais un peu, voyez-vous, de considérer la pleine lune, et de réfléchir à ce qu’elle pouvait faire dans l’univers, et de me demander comment nous pouvions la voir aussi bien d’ici que de chez nous, lorsque ce château est à tant de milles de Geierstein. J’étais ennuyé, dis-je, de ces réflexions et d’autres semblables ; j’enfonçai donc mon bonnet fourré sur mes oreilles, car je vous promets que le vent n’était pas chaud, et puis je me plantai ferme sur mes jambes avec un pied un peu en avant, et les deux mains appuyées sur ma pertuisane que je plaçai droit devant moi pour m’appuyer dessus ; alors je fermai les yeux. — Fermer les yeux à ton poste, Sigismond ! — Ne t’en inquiète pas ; je tenais mes oreilles ouvertes ; et pourtant la précaution fut à peu près inutile, car quelque chose passa sur le pont, et d’un pas aussi léger qu’une souris. Je levai la tête en tressaillant, lorsque l’objet se trouva en face de moi, et quand je regardai… que croyez-vous que je vis ? — Quelque imbécile comme toi, » répondit Rudolphe en touchant le pied de Philipson, pour l’engager à faire attention à la réponse ; invitation qui n’était presque pas nécessaire, puisqu’il l’attendait avec la plus vive agitation. Elle sortit enfin.

« Par saint Marc ! c’était notre parente, Anne de Geierstein ! — C’est impossible ! répliqua le Bernois. — J’en aurais dit tout autant, car j’avais jeté un coup d’œil dans sa chambre à coucher avant