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son opale que pour quelques minutes lorsqu’on la peignait ; qu’elle était extrêmement pensive et silencieuse pendant l’espace de temps qu’elle la déposait, et que surtout elle témoignait beaucoup de crainte lorsqu’on approchait quelque liquide de ce diamant : même en prenant de l’eau bénite à la porte de l’église, on la voyait faire attention à ne pas se signer au front, de peur, supposait-on, que l’eau ne touchât la précieuse opale.

« Ces bruits singuliers n’empêchèrent pas de poursuivre les préparatifs de son mariage avec le baron d’Arnheim. Il fut célébré dans les formes voulues, et avec la plus grande pompe, et le jeune couple sembla commencer une vie de bonheur, telle qu’on en trouve rarement sur terre. Avant l’expiration d’une année, la jolie baronne donna à son époux une fille qu’on devait baptiser sous le nom de Sybilla, car c’était celui de la mère du comte. Comme la santé de l’enfant était excellente, la cérémonie du baptême fut différée jusqu’à ce que la mère fût relevée de couches : beaucoup de personnes furent invitées, et le château reçut une nombreuse compagnie.

« Parmi les hôtes se trouvait une vieille dame, connue dans la société pour jouer le rôle des méchantes fées dans les contes des ménestrels : c’était la baronne de Steinfeldt, fameuse dans le voisinage pour son insatiable curiosité et son excessif orgueil. Elle n’eut besoin que de passer plusieurs jours au château pour, à l’aide d’une femme de chambre qui lui servait d’espion, savoir tout ce qu’on disait, pensait et soupçonnait relativement à la baronne Hermione. C’était le matin du jour où le baptême devait avoir lieu : toute la compagnie était rassemblée au salon, et l’on n’attendait plus que la baronne elle-même pour passer dans la chapelle, lorsqu’il s’éleva entre cette orgueilleuse dame qui se plaisait tant à médire, et la comtesse de Waldstetten, une violente discussion à propos de la préséance qu’elles se disputaient : on s’en référa au baron d’Arnheim, qui décida en faveur de la comtesse. Madame de Steinfeldt ordonna aussitôt à ses gens de préparer son palefroi et de monter eux-mêmes à cheval.

« Je quitte, dit-elle, ces lieux où une bonne chrétienne n’aurait jamais dû entrer ; je quitte une maison dont le maître est un sorcier, la maîtresse un démon qui n’ose se signer au front avec de l’eau bénite, et leur dame de compagnie une misérable qui se résigne pour une vile pitance à servir d’entremetteuse entre un magicien et un diable incarné. »