Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/135

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nous serons entrés sur ses domaines. Nous avons même des raisons de penser que nous aurions déjà ressenti les effets de sa haine sans la vigilance que nous avons déployée cette nuit. Des cavaliers, venus dans la direction de La Ferette, ont ce soir même reconnu nos postes, et s’ils ne nous eussent pas trouvés sur nos gardes, nous aurions été indubitablement attaqués dans nos quartiers. Mais, puisque nous avons échappé aujourd’hui, il faut prendre nos précautions pour demain. C’est pourquoi un grand nombre des plus braves jeunes gens de la ville de Bâle, irrités de la pusillanimité de leurs magistrats, sont décidés à se joindre à nous pour laver la tache de déshonneur que la lâche inhospitalité de leur magistrature a imprimée à leur ville natale. — Et notre besogne sera faite avant que le soleil, qui va se lever dans deux heures, soit rentré dans les ténèbres de l’occident, » dit le cavalier bleu ; et les personnes du groupe exprimèrent leur assentiment.

« Mes chers messieurs, » répliqua Arthur quand le silence se fut rétabli, « permettez-moi de vous rappeler que l’ambassade à laquelle vous servez d’escorte est essentiellement pacifique, et que les gens qui l’accompagnent doivent éviter toute chose qui pourrait augmenter les différends qu’elle a mission de concilier. Nous ne pouvons donc nous attendre à recevoir d’insulte dans les domaines du duc, car les privilèges des envoyés sont respectés dans tous les pays civilisés, et je suis sûr que vous ne voudrez vous en attirer aucune. — Nous pouvons néanmoins être exposés à des affronts, répliqua le Bernois, et encore par rapport à vous, Arthur Philipson, à vous et à votre père. — Je ne vous comprends pas. — Votre père est marchand et porte avec lui des marchandises de petit volume, mais de haute valeur. — C’est la vérité, et qu’en résulte-t-il ? — Parbleu ! c’est que si on n’y fait pas attention, le mâtin de Bourgogne deviendra vraisemblablement héritier d’une bonne partie de vos soies, de vos satins et de vos bijouteries. — Des soieries, des satins, des bijoux ! s’écria un autre des assistants : de telles marchandises ne passeront pas libres de taxe à la porte d’une ville où règne l’autorité d’Archibald d’Hagenbach. — Mes bons messieurs, » reprit Arthur après un moment de réflexion, « ces marchandises appartiennent à mon père, non à moi ; c’est donc son affaire, non la mienne, de décider quelle portion il consentira à abandonner pour paiement des droits, plutôt que de donner occasion à une querelle qui pourrait être aussi préjudiciable aux compagnons de voyage qui l’ont admis dans leur société qu’à lui-même. Je puis