Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/126

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dans le cœur ou dans la main. — Tu nous rends justice, jeune Anglais ; et sache que nous n’avons pas moins bonne opinion de toi : je vais t’en donner à l’instant la preuve. Tu parlais tout-à-l’heure de chevaux : je m’y connais fort peu ; cependant, je crois que tu n’achèterais pas un coursier lorsque tu l’as seulement vu couvert de ses harnais, ou embarrassé d’une selle et d’une bride, mais que tu désirerais l’examiner dépouillé de tout et dans un état naturel de liberté. — Mais certainement oui. Tu as parlé là-dessus comme si tu étais né dans un district nommé Yorkshire, qu’on appelle la partie la plus joyeuse de la joyeuse Angleterre. — Je te disais donc que tu n’as vu notre jeunesse suisse qu’à moitié, puisque tu ne l’as vue encore que respectueusement soumise aux anciens de nos cantons, ou tout au plus se livrant aux exercices des montagnes ; ces exercices peuvent bien montrer la force et l’agilité extérieures de nos jeunes gens, mais non pas faire connaître le courage et la persévérance qui guident et dirigent cette force et cette activité lorsqu’il s’agit de hautes entreprises. »

Le Suisse désirait probablement que ces remarques excitassent la curiosité de l’étranger. Mais l’Anglais avait l’image, l’air et la forme d’Anne de Geierstein, lorsqu’elle était passée devant lui à l’heure silencieuse de sa faction, trop constamment présents à son esprit pour entamer volontairement un sujet de conversation tout-à-fait étranger à ce qui l’occupait d’une façon si exclusive. Il s’efforça donc simplement de répondre avec politesse qu’il ne doutait pas que son estime pour les Suisses, jeunes et vieux, n’augmentât en proportion de la connaissance plus intime qu’il ferait de cette nation.

Il garda alors le silence ; et Donnerhugel, désappointé peut-être de n’avoir pas réussi à piquer sa curiosité, marcha muet aussi à côté de l’Anglais. Cependant Arthur réfléchissait, à part lui, s’il devait communiquer à son compagnon la circonstance qui occupait son propre esprit dans l’espérance que le parent d’Anne de Geierstein, et l’ancien ami de sa maison, pourrait jeter quelque jour sur cet événement.

Mais il sentit naître dans son âme une répugnance insurmontable à causer avec le jeune Suisse sur un sujet dans lequel Anne était intéressée. Que Rudolphe prétendît à ses faveurs, il était difficile d’en douter ; et quoique Arthur, si la question lui en eût été faite, aurait dû répondre par convenance qu’il ne prétendait lui-même à rien, néanmoins il ne pouvait supporter l’idée que son rival pût être