Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/117

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dit chamois, et je lui ai persuadé de prendre quelque repos non interrompu, comme le meilleur moyen de rétablir ses forces. — Il fera bien alors de n’en pas parler, » reprit Donnerhugel tout bas, « car le vieux landamman n’est pas homme à recevoir pour excuses des accidents pareils quand il s’agit du devoir. Ceux qui sont sous ses ordres doivent avoir aussi peu de cervelle qu’un buffle, des membres aussi robustes qu’un ours, et être aussi impassibles que le fer ou le plomb à tous les petits malheurs de la vie, à toutes les faiblesses de l’humanité. »

Arthur répliqua sur le même ton… « J’ai été l’hôte du landamman pendant quelque temps, et je n’ai jamais vu d’exemple d’une discipline si sévère. — Vous êtes étranger, reprit le Suisse, et le vieillard connaît trop bien les lois de l’hospitalité pour vous imposer la moindre contrainte. Vous êtes volontaire aussi dans la part qu’il peut vous plaire de prendre à nos amusements ou à nos devoirs militaires : c’est pourquoi, quand je vous demande de m’accompagner dans la patrouille que je conduirai en dehors, au premier chant du coq, c’est seulement dans le cas où un pareil exercice serait d’accord avec votre bon plaisir. — Je me regarde comme soumis à vos ordres pour le moment ; mais pour ne pas lutter de politesse, je veux bien être relevé de ma garde sur le pont-levis au chant du coq, et alors je serais charmé de changer de poste pour une promenade plus longue. — Ne redoutez-vous pas que ce service fatigant et sans doute inutile ne dépasse vos forces ? — Il ne dépassera point les miennes plus que les vôtres, puisque votre intention est de ne prendre aucun repos jusqu’à demain. — C’est vrai, mais je suis un Suisse. — Et moi, » répliqua Philipson vivement, « je suis un Anglais. — Je n’attachais pas à mes paroles le sens que vous leur donnez, » dit Rudolphe en riant ; « je voulais seulement vous dire que je suis plus intéressé à tout ceci que vous ne pouvez l’être, vous qui êtes étranger à la cause dans laquelle nous sommes personnellement engagés. — Je suis un étranger… sans doute, mais un étranger qui a profité de votre hospitalité, et qui en conséquence réclame le droit, tant qu’il demeure avec vous, de partager vos fatigues et vos périls. — Soit. J’aurai fini ma première ronde à l’heure où il faudra relever les sentinelles du château, et je serai prêt à en recommencer une nouvelle de compagnie avec vous. — Comme il vous plaira. Maintenant je vais me rendre à mon poste, car je soupçonne que Sigismond m’accuse déjà d’oublier ma promesse. »