Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pierres de taille prises au milieu des décombres, sans mortier, il est vrai, ni aucune espèce de ciment, mais si bien assurées par leur propre pesanteur que la moindre tentative pour les déplacer devait donner l’alarme, non seulement aux personnes qui pourraient se trouver dans l’appartement, mais encore à celles qui seraient dans la salle adjacente et même dans toute autre partie du château. Dans la petite chambre si soigneusement arrangée et close, il y avait deux paillasses et un grand feu qui flambait dans la cheminée, et répandait une douce chaleur dans la pièce qu’il servait aussi à égayer. Les objets nécessaires à la dévotion n’avaient pas même été oubliés, car un petit crucifix de bronze était suspendu au dessus d’une table sur laquelle se trouvait un bréviaire.

Ceux qui découvrirent les premiers ce petit lieu de retraite revinrent vanter l’extrême délicatesse des citoyens de Bâle, qui, préparant tout pour la commodité générale des étrangers, n’avaient pas manqué de pourvoir d’une manière spéciale et particulière à celle de leur jeune compagne.

Arnold Biederman goûta fort les procédés d’une pareille conduite. « Nous devons avoir pitié de nos amis de Bâle, et ne pas leur garder rancune, dit-il ; ils ont poussé les égards envers nous aussi loin que leurs craintes personnelles le leur permettaient ; et ce n’est pas dire peu de chose pour les excuser, messieurs, car aucune passion n’est si immuablement égoïste que celle de la peur… Anne, mon amour, tu es fatiguée. Retire-toi dans l’appartement qui t’est destiné, et Lisette te portera de toutes ces provisions celles qui te conviendront le mieux pour un repas du soir. »

En parlant ainsi, il mena sa nièce dans la petite chambre à coucher ; et, promenant ses regards à l’entour avec un air de complaisance, il lui souhaita une bonne nuit : mais il y avait sur la figure de la jeune fille quelque chose qui semblait annoncer que le souhait de son oncle ne serait pas rempli. Dès l’instant où elle avait quitté la Suisse, son front s’était rembruni, ses conversations avec les personnes qui approchaient d’elle étaient devenues plus brèves et plus rares ; tout son extérieur enfin décelait une inquiétude secrète ou un chagrin caché. Cette circonstance n’échappa point à son oncle, qui l’imputa naturellement à la peine qu’elle ressentait de le quitter, ce qui devait probablement arriver bientôt, et à son regret d’abandonner les lieux tranquilles où elle avait passé tant d’années de sa jeunesse.

Mais Anne de Geierstein n’eut pas plus tôt mis le pied dans l’ap-