Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/94

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possédait déjà, il y eut une ou deux entreprises dans lesquelles il garda un intérêt, soit qu’en se retirant il aurait pu faire tort à des amis, soit qu’il souhaitât conserver quelque manière d’employer son temps. Parmi les plus importantes de ces entreprises se trouve une pêcherie sur la côte, où, par le moyen de filets perfectionnés qui s’ouvrent quand monte la marée et se ferment quand elle descend, on prend beaucoup plus de poisson que n’en peuvent attraper ceux qui, comme les gens de Broken-burn, se servent seulement de nasses, de javelines ou de lignes. Ils se plaignent de ces filets à marée, ainsi qu’on les appelle, comme d’une innovation, et prétendent avoir droit de les enlever et de les détruire par force. Je crains donc que cet homme violent qu’ils appellent le laird n’exécute les menaces dont vous me parlez, et qui ne peuvent occasionner que des pertes et des dangers à mon frère.

— M. Geddes devrait s’adresser aux magistrats civils ; il y a une garnison à Dumfries, et on lui enverrait quelques soldats pour le protéger.

— Tu parles, ami Latimer, comme un homme qui est encore dans le fiel de l’amertume et dans les liens de l’iniquité. Dieu nous garde de chercher à défendre des filets de chanvre et des pieux de bois, et le gain qu’ils nous procurent, par les mains des hommes de guerre, et au risque de répandre le sang humain !

— Je respecte vos scrupules ; mais, puisque telle est votre façon de penser, votre frère devrait détourner le danger soit par arrangement, soit par soumission complète aux réclamations.

— Peut-être serait-ce mieux ; mais que puis-je dire, moi ? — Même dans les naturels les mieux domptés, il peut rester quelque levain du vieil Adam ; et je ne sais si c’est cette raison ou un autre motif meilleur qui a décidé mon frère Josué, bien qu’il ne veuille pas repousser la force par la force, à ne point abandonner ses droits pour de simples menaces, et à ne pas encourager les autres à commettre des injustices, en y cédant lui-même. Ses associés, dit-il, ont confiance en sa fermeté, et il ne doit pas tromper leur espoir, en renonçant à leurs droits par la crainte d’un homme dont le caractère est violent. »

Cette observation me convainquit que l’esprit des hommes qui venaient jadis à Sharing-Knowe partager leur butin n’était pas tout à fait banni du cœur du pacifique quaker ; et je ne pus m’empêcher de reconnaître intérieurement que Josué avait raison.