Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/490

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approchez. En présence du général Campbell, je vous déclare que, si vous élever dans mes propres opinions politiques fut longtemps mon plus cher désir, je me félicite maintenant que ce désir n’ait pas été accompli. Vous passez sous le service du monarque régnant sans avoir besoin de changer votre allégeance ; changement qui, néanmoins, » ajouta-t-il en regardant autour de lui, « n’a pas coûté à des hommes d’honneur aussi cher que je l’aurais imaginé ; mais les uns portent la loyauté sur la manche de leurs habits, et les autres dans leur cœur. — Vous serez à l’avenir maître absolu de tous les biens dont la confiscation n’a pu dépouiller votre père, de tout ce qui lui appartenait, — excepté pourtant cette bonne épée, » dit-il en appuyant la main sur la garde de celle qu’il portait, « car elle ne combattra jamais pour la maison d’Hanovre, et comme ma main ne la tirera plus jamais, je la jetterai à quarante brasses de profondeur dans le vaste Océan. Soyez heureux, jeune homme. Si j’ai agi durement envers vous ? pardonnez-moi ; tous mes désirs se dirigeaient vers un but, — Dieu sait que ce n’était pas un but d’intérêt personnel ; et en voyant la triste issue de tous mes desseins, je suis justement puni d’avoir été trop peu scrupuleux sur les moyens par lesquels j’en ai poursuivi l’exécution. — Ma nièce, adieu, et puisse le ciel vous protéger aussi !

— Non, mon oncle, » s’écria Lilias en lui saisissant la main avec vivacité, « vous avez toujours été mon protecteur, vous êtes maintenant dans la peine : permettez-moi de vous suivre pour vous consoler dans l’exil.

— Je vous remercie, ma fille, d’une affection que je n’ai pas méritée. Mais je ne puis, je ne dois pas consentir à votre demande. Le rideau tombe ici entre nous deux ; je vais habiter une maison étrangère : si je la quitte avant de quitter la terre, ce sera seulement pour la maison de Dieu. Encore une fois, adieu, Lilias et Darsie ! — La fatale sentence, » ajouta-t-il avec un mélancolique sourire, « ne s’accomplira plus, j’espère, sur la maison de Redgauntlet, puisque son représentant actuel a embrassé le parti du vainqueur ; je suis certain qu’il ne l’abandonnera pas, dût ce parti devenir à son tour celui du vaincu. »

L’infortuné Charles-Édouard avait alors terminé ses adieux à ses partisans abattus. Il fit signe de la main à Redgauntlet de venir l’aider à entrer dans la chaloupe ; le général Campbell lui offrit aussi son assistance, le reste des spectateurs paraissant trop affecté de la scène qui venait d’avoir lieu, pour le prévenir.