Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/479

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avec plus de timidité, « la sœur de mon ami. Permettez-moi d’espérer, ma chère miss Latimer, que ma présence peut vous être utile ; et, pour qu’il en soit ainsi, accordez-moi votre confiance, quoique je sente n’avoir aucun droit à vous la demander. »

Il la conduisit, tout en parlant de la sorte, vers l’embrasure de la fenêtre la plus éloignée, en la prévenant qu’il était malheureusement exposé, plus que tout autre, aux interruptions du vieux fou dont l’arrivée lui avait causé à elle-même tant de frayeur. Par surcroît de précautions, il ramassa la robe que Darsie Latimer avait portée pour voyager, et qui était restée dans la chambre, l’étendit sur le dos de deux chaises, et forma ainsi une espèce de paravent. Alors il se cacha derrière cet abri avec la demoiselle à la mante verte, éprouvant que tous les dangers qu’il courait étaient suffisamment compensés par la connaissance d’un fait qui lui permettait de laisser revivre envers cette aimable personne des sentiments que, par égard pour son ami, il avait cru devoir éteindre dès leur naissance.

La situation relative du conseillant et du conseillé, du protecteur et du protégé, est adaptée si particulièrement à la condition respective de l’homme et de la femme, que dans une situation pareille de grands progrès vers l’intimité se font souvent en fort peu de temps ; les circonstances excitent alors l’homme à se confier davantage en lui-même, et la femme à se défaire de toute pruderie, de sorte que les barrières habituelles qui s’opposent à un entretien sans gêne se trouvent tout à coup renversées.

Dans une pareille position, sûrs autant que possible de n’être pas observés, causant à voix basse, et assis dans un coin où ils s’étaient tellement approchés l’un de l’autre que leurs figures se touchaient presque, Fairford apprit de Lilias Redgauntlet l’histoire de sa famille, particulièrement de son oncle ; les vues de cet oncle sur son frère, et sa crainte qu’il ne réussît en ce moment même à entraîner Darsie dans quelque projet désespéré, fatal à sa fortune et peut-être à sa vie.

L’intelligence active de Fairford réunit aussitôt ce qu’il venait d’entendre aux circonstances dont il avait été témoin à Fairladies. Sa première pensée fut de tenter à tout risque une évasion immédiate, et de se procurer une force suffisante pour étouffer, au berceau même, une conspiration dont le caractère était déjà si alarmant. Il ne croyait pas qu’il fût difficile de s’évader ; car, quoique la porte fût gardée en dehors, la croisée, qui ne s’élevait que de dix pieds au-dessus du sol, lui offrait un passage ; la prairie sur laquelle elle donnait n’était entourée d’aucune clôture, et se trouvait couverte d’une herbe très-haute. Il lui était facile, à