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— M. Geddes, » répondit Redgauntlet d’un ton plus respectueux que celui sur lequel il avait jusqu’alors parlé au quaker, « votre langage est celui d’un homme désintéressé, et je respecte la sincérité de votre dévouement. Peut-être nous sommes-nous trompés réciproquement sur nos principes et sur nos motifs ; mais, en ce cas, le temps ne nous permet pas de nous expliquer. — Remettez-vous de vos craintes. — J’espère élever votre ami Darsie Latimer à un degré d’illustration que vous ne verrez pas sans plaisir ; — mais… n’essayez pas de me répondre. L’autre jeune homme subira une détention de quelques jours, peut-être de quelques heures seulement : — c’est tout au plus ce qu’il a mérité pour être intervenu en maître dans des affaires qui ne le regardaient pas. Quant à vous, M. Geddes, soyez assez prudent pour prendre votre cheval et vous éloigner d’ici, car ce lieu devient à chaque instant moins convenable pour un homme de paix. Vous pouvez attendre l’événement en sûreté à Mont-Sharon.

— Ami, répliqua Josué, je ne puis suivre ton conseil ; je resterai ici, même comme ton prisonnier, ainsi que tu m’en as menacé tout à l’heure, plutôt que d’abandonner dans cet état précaire le jeune homme qui a souffert pour moi et par mes infortunes. C’est pourquoi je ne monterai pas sur mon cheval Salomon, et je ne lui tournerai pas la tête vers Mont-Sharon avant d’avoir vu la fin de toute cette affaire.

— Alors vous serez prisonnier ici, dit Redgauntlet. Je n’ai pas le loisir de discuter davantage avec vous ; — mais, dites-moi, pourquoi fixez-vous si attentivement les yeux sur les gens de ma suite ?

— Pour dire la vérité, répondit le quaker, je m’étonne d’y voir ce méchant petit vaurien de Benjie, auquel Satan a donné, je crois, pouvoir de se transporter partout où il y a du mal à faire ; de sorte qu’on peut dire qu’il ne se commet pas une mauvaise action dans le pays, à laquelle il ne mette le doigt, sinon la main. »

Le jeune garçon voyant les deux interlocuteurs fixer leurs regards sur lui parut fort embarrassé, et sembla même tenté de s’enfuir ; mais, à un signe de Redgauntlet, il s’avança, prenant l’air doux comme un mouton et les manières simples sous lesquelles ce drôle couvrait beaucoup de malice et de finesse.

« Depuis quand êtes-vous à ma suite ? demanda Redgauntlet.

— Depuis l’affaire des filets à pieux, » répliqua Benjie en mettant un doigt dans sa bouche.

« Et pourquoi nous avez-vous suivis ?