Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/45

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« Êtes-vous sourd ! ajouta-t-il ; — êtes-vous fou ? — ou avez-vous des projets pour l’autre monde ?

— Je suis étranger, répondis-je, et je n’avais d’autre intention que d’examiner la pêche. — Je vais m’en retourner par où je suis venu.

— Dépêchez-vous donc, dit-il. Celui qui s’endort sur le lit de la Solway peut se réveiller dans l’autre monde. Le ciel nous menace d’un ouragan qui fera monter les vagues de trois pieds à chaque élan. »

En parlant ainsi, il détourna son cheval et s’éloigna rapidement, tandis que je revenais vers les côtes d’Écosse, un peu alarmé de ce que j’avais entendu ; car la marée avance avec une telle rapidité sur ces sables maudits, que les cavaliers les mieux montés perdent tout espoir de salut, s’ils voient venir sa blanche écume, lorsqu’ils sont encore à certaine distance du rivage.

Mes réflexions devenaient de plus en plus alarmantes ; et, au lieu de marcher tranquillement, je me mis à courir de toutes mes forces, trouvant, ou croyant trouver chaque mare d’eau salée de plus en plus profonde. Enfin la surface des sables me semblait beaucoup plus entrecoupée d’étangs et de trous pleins d’eau ; — soit que la marée commençât réellement à faire sentir son influence aux ondes du détroit, ou ce qui est aussi probable, soit que, dans la hâte et la confusion de ma retraite, je me fusse jeté dans des endroits difficiles que j’avais évités en marchant d’un pas plus tranquille. En tout cas, la situation des choses ne promettait rien de bon : car les sables devenaient déjà plus mous ; et la trace de mes pas, dès que j’avais levé le pied, se remplissait d’eau sur-le-champ. Je commençais à penser au commode salon de votre père, et à la sécurité du pavé de Brown-Square et de Scot’s Close, lorsque mon bon génie, le grand pêcheur, apparut une seconde fois à mes côtés, lui et son cheval noir, se détachant d’une façon gigantesque dans l’obscurité toujours plus épaisse.

« Êtes-vous fou ? » dit-il avec cette même voix sombre qui avait déjà retenti à mon oreille, « ou bien las de la vie ? — Vous allez vous jeter dans les sables mouvants. » — J’avouai mon ignorance du chemin ; à quoi il répliqua seulement : « Il n’y a point de temps à perdre ; — montez en croupe derrière moi. »

Il s’imaginait probablement que j’allais sauter à cheval avec