Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/410

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tent les rives de la Solway, sur lesquelles notre famille possédait un droit seigneurial avant la confiscation, et où, lors de l’affaire de 1745, le crédit de notre malheureux père et le sien levèrent un corps de troupes considérable. Mais les paysans ne veulent plus obéir à ses ordres, et entre autres excuses ils se fondent sur votre absence, alléguant que vous êtes leur chef naturel. Ce motif a augmenté son désir de s’emparer de votre personne, et, s’il est possible, même d’influencer votre esprit de manière à vous faire autoriser sa conduite.

— C’est une autorisation qu’il n’obtiendra jamais. Mes principes et ma prudence m’interdisent également cette démarche : d’ailleurs, elle ne servirait en aucune manière ses projets. Quelques prétextes que ces hommes simples puissent mettre en avant pour se soustraire aux importunités de notre oncle, ils ne peuvent, par le temps qui court, songer à se soumettre de nouveau au joug féodal, qui fut définitivement brisé par l’acte de 1748, abolissant le vasselage et les juridictions héréditaires.

— Oui, mais mon oncle regarde cet acte comme émané d’un gouvernement usurpateur.

— La chose n’est pas étonnante, car il était lui-même seigneur, et il a ainsi perdu toute son autorité. Mais il s’agit de savoir comment la question sera comprise par les vassaux qui ont secoué l’esclavage féodal et reconquis une liberté dont ils jouissent depuis tant d’années. Au reste, pour couper court, dussent cinq cents hommes prendre les armes, sur un simple signe de mon doigt, ce doigt ne se lèverait pas en faveur d’une cause que je désapprouve, et mon oncle peut bien y compter.

— Mais vous pouvez temporiser, » dit Lilias, sur qui l’idée du déplaisir de son oncle produisit évidemment une forte impression, — « vous pouvez temporiser et laisser la bulle de savon crever d’elle-même, comme font la plupart des nobles dans ce pays ; car il est étonnant combien peu d’entre eux osent s’opposer directement à mon oncle. Je vous supplie d’éviter toute rupture ouverte avec lui. Vous entendre, vous chef de la maison de Redgauntlet, vous déclarer contre la famille des Stuarts, ce serait lui briser le cœur, ou le pousser à un acte de désespoir.

— Oui, mais vous oubliez, Lilias, les conséquences d’une pareille complaisance : la maison de Redgauntlet et moi nous pouvons perdre nos titres d’un même coup.

— Hélas ! j’avais oublié ce péril. Je me suis familiarisée avec